dimanche 28 juillet 2013

OLERON EN 1945





                                                                   





OLÉRON EN 1945


En 1945, j’avais treize ans. Je rentrais d’Afrique du Nord avec mes parents. Cela faisait six ans que j’étais parti. Je redécouvrais la France. Je revenais en Oléron , le pays de mes aïeux. Tout était neuf, tout me paraissait étrange … D’autant plus étrange qu’une guerre était passée entre temps … Une longue et terrible guerre … De longues années d’occupation étrangère, de privations, de contraintes, de changements … Je redécouvrais les longues plages de sable fin, les villages aux maisons blanches, basses, les champs et les vignes, les marais, toutes étendues plates, absolument plates, sur lesquelles régnaient les rayons d’un soleil magnifique, une lumière dorée. Je redécouvrais les haies de tamaris et les lauriers nobles, les figuiers et les romarins, les fenouils. Je redécouvrais les dunes et leur végétation de giroflées et de pavots.  Je redécouvrais les vastes espaces des anciens marais salants, avec leurs grands miroirs d’eau dans lesquels se reflétaient les oiseaux : mouettes, goélands, hérons cendrés, échasses à pattes rouges, avocettes, canards siffleurs et canards colverts, oies du Canada, sarcelles d’été, sarcelles d’hiver  et bernaches cravant … Tout un univers de bonheur et la liberté de le parcourir quotidiennement …

-       «  J’ai été le jeune monarque
        au pays de ces solitudes,
        un monarque obscur qui eut pour royaume
        le sable, les arbres, la mer, le vent âpre :
        je n’eus pas de rêves, je suivais
        l’espace, mu par le baiser
        du sel, à découvert,
        à grands coups de vent liquide et amer,
        j’allais, j’allais, je suivais l’infini

(Pablo Neruda … écrit à Sotchi)

                                                             

OLÉRON est voisine de Rochefort. Elle est partie intégrante des sites fortifiés depuis le XVII eme. siècle, qui assuraient la sécurité du port de Rochefort. Ses plages sont des plus fréquentées par les Rochefortais, avec celles de Fouras et Royan.

Mais Rochefort n’est plus le lieu de transit obligatoire des touristes qui se rendent en Oléron, depuis que le train ne circule plus entre Rochefort et Le Chapus, en passant par Saint-Agnant et Bourcefranc … Petit train de poésie, puisqu’on  avait le temps de lancer son béret par la fenêtre, de le récupérer et de remonter dans le dernier wagon … On disait aussi que le conducteur de la locomotive arrêtait parfois le train en pleine voie pour aller ramasser des champignons !  Les gares de transit se sont déplacées à Surgères et La Rochelle, d’où les voyageurs prennent ensuite l’autobus.


La route est devenue le vecteur de déplacement. Le pont transbordeur a vécu, le pont à travée levante aussi, (On faisait souvent le tour pour passer par le pont de Saint. Clément et Montierneuf) …Les petits bateaux et les bateaux de transport de passagers ont laissé la place à des bacs, puis à un pont (1966).

Les bateaux, (Compagnie Bouineau ) qui assuraient les navettes de La Rochelle à Boyardville ont cessé leur service : nous avons connu le « Pierre d’Argencourt », joli bateau à coque en acier : Il a fini ses jours sur la plage du Douhet … Popaul Raffaut aux commandes, et sa mère à ses côtés, qui rinçait les verres : Le Pierre d’Argencourt était devenu un bistrot !

Les avions de tourisme et les avions de secours qui décollaient de Rochefort pour se poser à St. Pierre d’Oléron ont cessé d’assurer les liaisons. La base d’hydravions qui a existé à Saint Trojan a été transformée en préventorium. Le camp de ballons captifs qui s’était implanté aux Saumonards a fermé.

Pendant la durée de la seconde guerre mondiale, l’île a été occupée, « sanctuarisée » et lourdement fortifiée.

L’île d’Oléron était vraiment, en 1945, une ÎLE : On peut dire que les modes de vie n’avaient guère été modifiés depuis le dix-neuvième et même le dix-huitième siècle : (On verra les analogies et différences avec l’île de Ré : « Gens de Ré », de A.M. Luc, aux Éditions du Croît Vif … prix 2010 de l’Académie de Marine.)

                                                       

En 1945, qu’était un Oléronnais ?

                                                                (sceau de la commune d'Oleron - XII eme. siècle)














Un Oléronnais était un paysan (polyculture pour la consommation familiale essentiellement), un viticulteur, un fermier – éleveur, un pêcheur à pied. Plus rarement et de façon plus localisée il était  un ostréiculteur ou un mytiliculteur, un pêcheur embarqué ou un inscrit maritime, un marin au long cours ou au cabotage : (Voir le livre de Thierry Sauzeau, au Croît-Vif : Marins de Seudre).

Les grandes propriétés ayant appartenu aux abbayes et prieurés ont disparu depuis la Révolution Française. Les multiples seigneuries ont disparu. Ce seront ces propriétés, laissées plus ou moins à l’abandon, qui seront rachetées par les comités d’entreprises et par les services sociaux des grandes villes pour y installer, nombreuses depuis la fin de la seconde guerre mondiale, des colonies de vacances.


 Depuis les années qui ont suivi le Second Empire, les bourgeois propriétaires, qui avaient profité des ventes de biens nationaux, ont « senti le vent » et ont investi en envoyant leurs fils faire des études. Ils ont investi dans les moyens de transport (C’est le moment de la construction des routes, des phares, des ports, des chemins de fer) Beaucoup de leurs fils ont intégré l’armée ou la fonction publique. Les propriétés ont été morcelées et vendues : Le plus souvent, elles ont été vendues par les bourgeois à leurs fermiers. La crise du phylloxéra n’y est pas étrangère.

Depuis longtemps la saunerie a pratiquement disparu, victime du développement des autres moyens de conservation des aliments par les nouvelles techniques (pasteurisation et froid). En 1945, il ne restait que quelques marais salants en exercice, vers Boyardville et vers Saint Trojan.
                                                       
Il ne restait plus, en 1945, que quelques résiniers gemmeurs, dont beaucoup, comme le père Dongieux qui résidait à la Chefmallière étaient d’origine landaise. Ils ne tarderont pas à disparaître, victimes de la fabrication d’essence de térébenthine de synthèse.

                                                   
Jusqu’en 1945 il y a très peu de routes dans l’île : La route nationale, construite dans les années 1830 pour permettre le transport des matériaux nécessaires à l’édification du phare de Chassiron part du Château, passe par Dolus, Saint-Pierre, Chéray (en évitant Saint Georges, ce qui causera le déclin du village où s’était établie la bourgeoisie oléronnaise). Puis on construira  la route de Boyardville au départ de Dolus et enfin, mais enfin seulement, on reliera Saint-Trojan au Château. La plupart des autres routes n’étaient en 1945 que des chemins blancs, empierrés de caillasse calcaire qui provenait des carrières de Crazannes ou des carrières locales.

Il n’y avait jusqu’à la guerre que très peu de voitures automobiles et le peu qu’il y avait a été réquisitionné par l’armée allemande. On se déplaçait à pied ou en voiture hippomobile. J’allais accompagner mon oncle, boucher à Sauzelle, jusqu’à Boyardville, en cabriolet, pour vendre sa viande, tandis que son épouse allait, en cabriolet également, vendre sur le marché de Saint-Pierre.
                                                                 

 Je n’ai pas connu les ânes qui avaient été utilisés autrefois pour les déplacements et surtout pour les transports de sel dans les zones des marais salants mais mon  cousin Henri Mérignant, de Sauzelle,  avait dans son enfance été « trassonneur ». Notons que  ces mêmes « trassonneurs »  assuraient l’acheminement du blé au moulin (Les moulins à vent étaient très nombreux, encore au dix-neuvième siècle et les archives ont conservé la trace de l’existence, au Moyen-Âge, de moulins à marée, par exemple le moulin d’Abaisse-Orgueil, aux environs de Trillou, lequel appartenait au Prieuré de Saint Georges).
                                                             
En 1945, on voyait encore se déplacer les « crève-sot’ », tricycles guère maniables (déjà, leur nom est tout un poème !) … Pour avoir essayé, je me demande comment on pouvait parvenir à se maintenir sur une trajectoire à peu près rectiligne. C’étaient les femmes qui utilisaient ce mode de locomotion, le plus souvent. Elles rassemblaient leurs vastes jupes et leur tablier, gardant la quichenotte sur la tête. Pour les vendanges, on utilisait des tombereaux et des charrettes, que l’on chargeait de « douilles » remplies avec le contenu des « bassées » déplacées à l’aide de brouettes spéciales. Les quais à vendanges bâtis en béton çà et là par les coopératives au bord des chemins servaient à manipuler les douilles pleines de raisins. Les vélos étaient assez rares. Les charrues étaient tirées par des chevaux. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu des bovins utilisés pour les travaux agricoles. Il faudra que je m’exile dans le Limousin pour voir mes premiers attelages de bovins.

Dire que les chemins étaient peu nombreux, c’est dire que l’on se déplaçait peu d’un village, ou même d’un hameau à l’autre : Les champs et les vignes étaient proches. Les gens restaient dans les alentours de leur maison ou de leur ferme. On se connaissait peu d’une agglomération à une autre et, pour un habitant de Saint-Georges, ceux de Saint-Denis étaient « des étrangers », ceux de Saint Trojan étaient considérés comme des « indigènes exotiques ».

On avait souvent un porc, que l’on tuait à l’entrée de l’hiver (au dix-huitième siècle, il arriva qu’une flotte « Anglaise » fut signalée à l’horizon : On tua dans la nuit tous les « norrains » d’Oléron, de peur qu’ils ne fussent saisis pour le ravitaillement des équipages).

On avait aussi une, voire quatre ou cinq vaches que l’on menait au pré mais qui couchaient à l’étable. La traite avait lieu deux fois par jour et, aux dix-neuvième et vingtième siècles, on remplissait les grands bidons métalliques que la voiture de la laiterie de St. Pierre ramasserait au petit matin. Les chaînettes et les couvercles des bidons tintaient durant le transport. On ne pouvait probablement pas faire paître le bétail sur les « bosses » des marais tant que s’effectuait la récolte du sel. Quand cessa l’activité des sauniers le nombre de vaches mises à la pâture sur les « bosses » de marais augmenta considérablement.

                                                                         
 Plus tard, ces marais ont été transformés en « claires » pour l’engraissement des huîtres. Le respect des règles  d’hygiène interdit à nouveau le pâturage en ces endroits. Les « bosses » de marais avaient été cultivées traditionnellement par les sauniers pour y faire pousser du froment ou de la « baillarge ». Les récoltes ainsi faites demeuraient la propriété du saunier, alors que la récolte du sel était partagée entre celui-ci et le propriétaire des marais. Pendant la guerre, nombreux furent ceux qui cultivèrent des pommes de terre sur les « bosses ».


                                                                      

Les déplacements étant rares et difficiles (Rappelons que, pour enterrer leurs morts dans le cimetière de Saint- Georges, leur commune, les habitants des Boulassiers et de La Brée devaient faire passer le cortège par la plage jusqu’à Plaisance) … On allait à la messe, le dimanche, à plusieurs kilomètres parfois, à pied, à cheval (pour les femmes) ou en cabriolet. Pour la Saint Michel, les propriétaires se déplaçaient de la même façon pour relever ce que leur devaient leurs fermiers. Il y avait six églises, les communes ayant pris la place des six paroisses anciennes. Les chapelles qui avaient été très nombreuses avaient été détruites ou vendues en 1793.
Par exemple, dans la paroisse de  Saint-Georges  il y avait des chapelles à L’Île, Sauzelle, La Brée, Chéray, Chaucre .

                                          
                                            
 Les commerces et les ateliers d’artisans étaient nombreux : Ils  satisfaisaient les besoins de la population. Chaque village, chaque hameau, presque, comptait un ou plusieurs magasins d’alimentation, un ou plusieurs fours de boulangers, succédant aux fours banals de l’époque ancienne. Dans chaque village, il y avait une ou plusieurs forges, un ou plusieurs ateliers de menuiserie et de charpente, souvent une sellerie-bourrellerie, un salon de coiffure, plusieurs bars (parfois équipés d’un billard), plusieurs maçons. À Saint- Georges, j’ai connu trois épiceries, dont une, celle de Madame Bertrand, installée dans des locaux qui avaient abrité auparavant une horlogerie. J’ai connu  une pharmacie, deux forges, une mercerie, une graineterie … Il y avait, un atelier de sabotier, deux boulangeries, un bureau de tabac, un hôtel-bar, un atelier de peintre-plâtrier, au moins quatre maçons, une tonnellerie, une boucherie, une charcuterie, un atelier de réparation de matériel agricole … Là où il n’existe plus, maintenant … Qu’un « tabac-presse » et une petite » Coop » alimentaire !
Les commerçants, pour la plupart, assuraient encore le « portage » vers les hameaux et les fermes isolées : Ainsi, Raymond Gabaret, de Foulerot allait vendre les légumes de son jardin à Plaisance, le Douhet, les Boulassiers et La Brée.
Marcel Denis allait vendre sa viande de boucherie, Monsieur Renaud trimballait son épicerie … Les deux frères charcutiers qui s’appelaient également Renaud, faisaient leur tournée …


Les commerces et l’administration étaient installés « en ville », à Saint-Pierre et au Château surtout, mais à Dolus également : Médecins( peu nombreux), hôpital, marchands de tissus, drogueries, magasins de ventes d’appareils ménagers, magasins de vente de matériels agricoles ou de matériaux de construction, d’ustensiles divers utilisés dans les travaux agricoles ou domestiques, cordonneries, pharmacies…

En 1945, nous nous servions encore des lampes à pétrole, des bougies, et des lampes à carbure, (Je ne sais si le carbure était produit sur place … Les fours à chaux étaient nombreux et fournissaient l’essentiel pour les travaux de maçonnerie et le blanchissage des façades).

À proximité de la « ville » s’étaient installées la laiterie et la minoterie. En limite de Saint-Pierre et de Saint-Georges se bâtiront les coopératives vinicoles qui se développeront à partir des années 50. Sur le port du Château existaient des chantiers navals de qualité, construisant des bateaux en bois utilitaires, surtout pour l’ostréiculture.

                                                             

L’électricité était-elle installée ? – Je crois que oui, mais dans notre maison du Douhet, elle ne l’était pas. Nous utilisions, et ceci jusqu’aux environs  de 1955, des  bougies, des lampes  à  pétrole  et des lampes à carbure … Nous allumions la bougie et, protégeant sa flamme avec la paume de la main, nous traversions la route pour aller aux cabinets d’aisance.
Il n’existait aucune distribution d’eau courante. L’approvisionnement en eau pour les besoins du ménage et les besoins agricoles était assuré par les puits. Ce sont ces puits, probablement, qui ont imposé le mode d’habitat de l’île d’Oléron : Les maisons étaient groupées, s’élevant autour des « quéreux » qui étaient les centres de la vie sociale, parce que là était le point de rencontre des ménagères et de tous ceux qui venaient faire boire les bêtes au « timbre » de pierre, ou brasser la bouillie bordelaise pour traiter les vignes, ou laver les barriques … Il n’existait pas de parcelles rectangulaires comme celles qu’a apportées l’urbanisme actuel. Les maisons étaient mitoyennes, pour la plupart. Les jardins, les étables et les hangars étaient à proximité, souvent entourant une cour  au fond de laquelle, quand il s’agissait d’une ferme, se dressaient les « parcs à gorets ». L’eau n’a jamais manqué, semble-t-il, même si, en certains endroits, elle était un peu saumâtre.

                                                                 

  On connaît l’existence, vers Chassiron, d’une résurgence de la nappe phréatique sur l’estran et, il y a une trentaine d’année, on a creusé des puits artésiens, dont un, particulièrement profond chez Monsieur Larégaldie, horticulteur aux  Sables Vignier.


 Des tombereaux passaient régulièrement, conduisant les détritus à la décharge en plein air. Ce service était assuré par la mairie. La plupart du temps, il n’y avait pas de réseau d’évacuation des eaux usées, ni des eaux pluviales : Dans les villages, des caniveaux pavés conduisaient les eaux au canal le plus proche ou aux fossés.

 Notons qu’il n’y a pas d’eau courante en Oléron : Ni rivière, ni ruisseau … Il y avait bien quelques mares, utilisées souvent pour abreuver le bétail, mais ni étang ni lac autre que salé. Ceux qui existent actuellement ont été creusés dans d’anciennes carrières de calcaire, ou de sable, (C’est le cas à Dolus) ou aménagés dans des zones humides à drainer (Les près Valet, à Saint- Georges) …  Les éléments décoratifs installés par certaines   municipalités comme celles de Dolus ou Saint-Georges…  qui incluent des jets d’eau ou des fontaines peuvent paraître insolites. L’approvisionnement public était assuré par des pompes à bras : Le Château, Saint-Pierre …

                                              

En, 1950 encore, dans le village de Saint-Georges, il n’y avait qu’un seul poste de téléphone public, installé chez M. et Mme Bertrand, épiciers sur la place de l’église …


Le chauffage était assuré au bois, dans des cheminées . On faisait la cuisine dans des « potagers », avec du charbon de bois le plus souvent. J’ai connu encore, chez certains bourgeois, des rôtissoires mécaniques placées devant la cheminée. L’églade de moules, traditionnelle, était souvent réalisée sur la plage même, au retour de la  pêche à pied. On faisait cuire la « beurnée » des gorets sur un trépied, dans un grand chaudron en fonte.

                                                                      
 De même la « cochonnaille » était préparée à l’extérieur, dans la cour. Notons qu’en Oléron, le bois était rare avant la plantation des pins et qu’il était d’une qualité toute relative après, le pin n’étant pas des meilleurs combustibles. Le four du boulanger était chauffé grâce aux ajoncs et autres buissons que l’on coupait sur les dunes et nous possédons une relation d’expédition botanique datant des années postérieures à la guerre de 1870, où l’auteur parle des dunes de Domino, Chaucre et des Sables-Vignier en disant qu’elles ont été absolument dénudées à cause de cette pratique. Notons tout de suite que, lors de la crise du phylloxéra, laquelle a bouleversé Oléron, les vignes qui ont le mieux résisté au parasite sont celles qui étaient plantées dans les sables des dunes.





Les marais
« À vue de nez », je dirais qu’ils occupent près de la moitié du territoire oléronnais : Ils sont présents dans toute la moitié de l’île située à l’Est de la route « nationale », (qui n’est plus qu’une départementale, depuis son déclassement), et en partie au Sud-Ouest de Saint-Denis. Les zones occupées le plus largement se situent entre le Château et Boyardville, où les marais, le plus souvent, ont été transformés en « claires » à huîtres (La Baudissière), entre Boyardville et Sauzelle, s’avançant aux portes de Saint-Pierre, au Nord et au Sud du Douhet, s’avançant jusqu’à proximité du hameau de l’Île. Ils ont été creusés ou gagnés sur l’estran à partir de l’an mille, sous l’impulsion des grandes abbayes (abbaye aux Dames, de Saintes, abbaye de Vendôme, abbaye de La Couronne )…

Avec les marais de Brouage, également creusés sous l’impulsion des abbayes, ils ont fourni le sel nécessaire à toute l’Europe pour la conservation  des aliments (Passer l’hiver  et nourrir les équipages). Le sel et le vin étaient régulièrement exportés jusque dans les pays du Nord et en Angleterre.

Il faut, pour comprendre la situation actuelle, se souvenir que les marais sont des bassins artificiels, dont le niveau est inférieur à celui de la mer, (Faute de quoi l’eau de mer ne circulerait pas dans le réseau des « ruissons »).




Les étiers et les « ruissons » constituent un réseau qui, après la seconde guerre mondiale, était encore fort bien entretenu : Syndicat des marais, éclusiers … Même si l’on ne produisait plus guère de sel, les écoulements étaient assurés, les écluses entretenues et manœuvrées de jour comme de nuit, selon les horaires des marais, le désir des propriétaires et les besoins créés par les pluies dont il fallait évacuer les épanchements. Plus tard, quand on mit les vaches à la pâture sur les « bosses » des marais, les fossés et « ruissons » servirent de clôture » et il fallait bien que l’eau y fût maintenue en quantité suffisante.

Lorsque les marais perdirent leur fonctionnalité économique, on négligea l’entretien des digues, des berges des canaux, des « ruissons » et des écluses à crémaillère. On sait maintenant quels risques cela faisait courir …


                                      

LES ÉCLUSES À POISSON
(« Les Écluses à poisson d’Oléron », aux éditions Geste-2009)

Dès le haut Moyen-Âge, on construit et on exploite des écluses à poissons : Des murs sont construits sur l’estran, en forme de fer à cheval, avec des pierres arrachées à la banche, non jointées mais posées artistiquement, de chant. Ces murs font parfois plus de deux mètres de haut. Ils sont percés de quelques « portes » munies de grilles de bois ou de fer pour retenir, à marée basse le poisson qui s’est aventuré à l’intérieur pendant la marée haute.

Ce poisson sera retenu dans les ruisseaux labyrinthiques aménagés au pied des murs et recueilli par le mareyant  à l’aide d’un haveneau ou trioule, ou bien assommé à coups d’ « espiot’ » ou « fonceuille ». Puis mis dans la « gourbeille » tressée en osier ou en branches de tamaris et qui se porte dans le dos.

Une écluse à poisson peut se trouver très au large sur l’estran, c’est le cas, par exemple sur le platin de Chassiron. Elle peut englober un espace considérable de plusieurs hectares. Il faut entretenir les murs, les réparer après les tempêtes, nettoyer les boucheaux. Parfois l’écluse est équipée d’un « bourgnon » en osier ou en branches de tamaris, c’est une nasse, que l’on relève à marée basse.

                                                   
Presque tous les oléronnais ont au moins une part d’écluse, sinon plusieurs, dans des écluses différentes. Les femmes veuves ou les bourgeois délèguent leurs droits de pêche à un mareyant qui leur apporte éventuellement une part de la pêche. Ils paient ce mareyant pour assurer l’entretien.


Généralement la pêche n’est pas considérable, mais on considère qu’elle constitue un apport de protéines indispensable aux Oléronnais qui pratiquent peu l’élevage à cause des contraintes de la saliculture, puis après, à cause des travaux de la vigne. La monoculture (sel puis vigne) impose ce prélèvement, source de protéines.



On a cependant souvenir de pêches considérables : mulets, bars, orphies, taires et raies … Et l’on se souvient de mareyants qui ont été obligés de retourner chez eux à toute vitesse pour chercher de l’aide et … une charrette !

L’administration a toujours lutté contre l’existence de ces écluses, déjà sous Louis XIV et jusqu’à nos jours, sous le prétexte du danger qu’elles représentent pour la navigation. Pourtant ces murs faisaient aussi fonction de brise-lames et protégeaient les côtes de l’érosion, laquelle ne fait que s’accentuer depuis leur disparition quasi totale.

Pour bâtir une écluse, une autorisation de l’administration maritime était nécessaire. Une équipe se constituait, se partageait les « parts » et, munie de l’autorisation, se partageait les travaux. Il est probable qu’au début, chaque membre de l’équipe recevait une part égale à celle des autres, mais, au fil des successions, on pouvait n’hériter que d’un centième de part … Ce qui signifiait que l’on bénéficiait du droit de pêche tous les cent jours (une marée de jour et une marée de nuit à la lumière d’un flambeau, d’une torche, puis à celle d’une lampe à carbure).

Et tant pis si le coefficient de la marée était trop faible pour que les murs de l’écluse « dérasent »… On attendrait cent jours de plus !

Il y a eu des écluses à poisson partout où les côtes étaient rocheuses, c’est-à-dire, essentiellement, de Chassiron à Domino et même Les sables Vignier et la Cotinière, sur la côte Ouest, dite Côte Sauvage et de Chassiron à Foulerot sur la côte est. On en comptait plus de 120 au dix-neuvième siècle. De nos jours, on n’en compte plus qu’une dizaine qui sont entretenues par des associations et qui sont toujours dans le collimateur de l’administration maritime. Cette pêche n’est plus, depuis longtemps, une pêche de subsistance, mais est devenue une pêche de loisir.



Chaque écluse avait un nom, souvent terminé par le suffixe « ère » ou « ière », qui sont des suffixes d’appartenance.  ( voir « Oléron de A à Z, aux éditions Alan  Sutton» L’abondance des noms terminés par ces suffixes se comprend si l’on admet qu’ils correspondent aux noms de leurs propriétaires, comme c’est le cas pour beaucoup de hameaux oléronnais … ( La Jousselinière, c’était probablement la propriété d’un dénommé Jousselin, à l’origine.).


                                                 
La Vigne


De si haut que l’on remonte dans le Moyen-Âge, les navires ont chargé en Oléron le sel et le vin en direction de l’Angleterre et des pays du Nord. Puis on a trouvé que la distillation représentait un moyen moins coûteux de  transporter le fruit de la vigne. Les distilleries se sont installées et, en Oléron, on peut dire que, pratiquement, toute surface qui n’était pas occupée par les marais ou les sables était plantée en vigne.

Les Rôles d’Oléron (XIeme. ou début XIIeme, édictés ou confirmés par Aliénor d’Aquitaine) traitent essentiellement des conditions de chargement, de transport et de vente du vin que les bateaux transportaient jusqu’en Hollande et au-delà.

Les grandes abbayes exploitent la vigne par l’intermédiaire d’un prieur ou d’un fermier (Jacques Joly, premier violon du roi Louis XIV est Prieur de Saint-Georges). Les seigneuries, également nombreuses sont le plus souvent exploitées en métayage par les seigneurs, qui demeurent en-dehors de l’île et exercent d’autres charges officielles.
La grande révolution et l’abolition des privilèges privent les abbés et les seigneurs de bras et de revenus pour cultiver les terres.
La vente des biens nationaux permet la montée des bourgeois qui deviennent des propriétaires, lesquels, à leur tour, exploitent la vigne par l’intermédiaire de fermiers et de métayers, de journaliers et d’hommes de peine. Le produit de la distillation part à Cognac (classement dans les « bois ordinaires »).
Le vin est fait dans les chais des propriétaires puis distillé par des établissements qui seront à l’origine des coopératives, après la seconde guerre mondiale.

                                                     

En 1879, le phylloxéra est signalé en Oléron. La plupart des propriétaires vendent leurs terres à leurs fermiers et les propriétés sont morcelées. Au même moment s’accentue le déclin des salines dont la reconversion pour l’ostréiculture va commencer.

De 1950 à 1974, avènement des coopératives vinicoles, de l’ostréiculture et développement du tourisme.

De 1970 à 1980 le vignoble est à nouveau en crise, touché par la surproduction du cognac. De 4300 hectares en 1850, on passe à 1075 hectares en  1880, après la crise du phylloxéra. En 1980, on n’est plus qu’à 1000 hectares.

L’identité d’Oléron était créée par le sel, par la vigne, par la pêche à pied, par le petit élevage …


                                                



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