samedi 24 janvier 2015

CHANSON POUR PIERRE



CHANSON POUR PIERRE














CHANSON POUR PIERRE










Chant 1


Car vois-tu, mère
C’est mon fils que voici
Tu vois
Quand la mer se retire
Et remonte
A nouveau se retire
Sur le sable
Quand le flot se retire
C’est mon fils
Qui court à la laisse
Quand l’océan
Vient bêcher les œillets
Chardons
Chardons et tamarins
C’est mon fils
C’est mon fils que voici
Dans la vague
La vague douce douce
Qui déferle
Déferle et murmure










Chant 2


Le vieux pin n’est plus
Que père planta
O Mère !
Le vieux pin tordu
Étêté
Et ni le grand cyprès
Au tronc creux
Si moussu si penché
Vents orages
Le temps les a tous pris
L’oiseau a fui
La palombe est partie
O Mère !
Le puits même est tari
Asséché
Le cyprès est coupé
Le vieux pin
On a coupé le pin
Et la ronce
La ronce a tout caché ...














Chant 3




Roches roulées
De la jetée brisée
Rompue
O Mère te souviens-tu ?
Ce bateau
Dont les os blanchissaient
Enfoncés
Le port tout ensablé
Immobile
Le canal engorgé
Poisson crevé
Les grands bras du carrelet
Cassés
L’air vibrait sur le mur
De croches
Et de quadruples croches
Silencieuses
La musique de l’été
Au soleil
Et l’odeur de marée ...















Chant 4



Goémons goélands
Le craquement d’un cône
Paillettes au soleil
L’air immobile et chaud
La mer vivante encore
Mais la mer assoupie
Qui se rassemble et prie ...











Chant 5



Sur le rocher
Près duquel nos filets
Dormaient
Sur le rocher aux huîtres
Aux patelles
Aux congres et aux crabes
Le rocher
Au cormoran tout noir
Cou tendu
Ailes demi offertes
Au plein soleil
La balise a rouillé
Penchée
Sa tête en triangle est tombée
Le cormoran parti
Parti dans mon passé
Immobile
Immobile et muet ...












Chant 6



Écarquillés
Les cônes sont tombés
À terre
Du sommet des grands pins
D’autres pins
Qui sont pourtant les mêmes
Ont poussé
Les voici aussi grands
Qu’autrefois
Nous ne trouverons plus
Le mousseron
Aux bords des marais
Salés
D’autre ont bouleversé
Piétiné
D’autres ont acheté
Ont vendu
Ou bien tout ensemencé ...













Chant 7


Si vois-tu Mère
La dune s’est écroulée
Gommée
Si la mer a monté
Descendu
Les arbres ont basculé
Emportés
Si la maison d’été
La maison
Près de l’eau et des bois
N’est plus la nôtre
Si j’ai mis mes filets
Pliés
Tout en haut du grenier
C’est qu’ici
Le temps a tout changé
Coquilles vides
Où furent coquillages ...

Les terriers sont bouchés
Les coquilles vidées
Le laurier a brûlé
Et la mûre a séché
La charrette est cassée
Pourtant près du fossé
La trémière est éclose ...











Chant 8



Me voici Mère
Quand roulent la houle
Lourde
La vigne et la vague
Et voilà
Les enfants de juillet
Par volées
Dans les bois et dans les près
Dans les vignes
Et aussi dans les blés
Tant de voiliers
Tant de voiliers partis
Partis
Ne reviendront jamais
En septembre
Passeront les courlis
Les courlis
Passeront-ils encore ?
Me voici devant toi
Me voici ton enfant
Tant d’amis sont partis
Sur tant de blancs voiliers
Me voici ton enfant
Et voici mon enfant
Le raisin gonflera
Moi je n’ai rien compris ...



Aucun commentaire: