LE THÉÂTRE D’ARDOISES
Un soir … Un beau soir de printemps … Nous avions laissé la voiture à
l‘entrée d’un pont, et nous étions
partis à pieds à travers les marais. Un goéland criait en tournant
au-dessus de nous … Mais il criait ! Les cercles qu’il décrivait, montant,
descendant, avaient pour centre un tas de cailloux. J’allai y voir : tout
en haut, trois œufs … Les goélands avaient élu cet emplacement pour en faire
leur nid ! Était-ce le mâle … Était-ce la femelle ? … Je n’ai rien touché
et je suis reparti. Derrière moi, les cris ont cessé : Tout était rentré
dans l’ordre.
C’était non loin de Boyardville, en venant de Dolus. Nous avions quitté
la route sur la droite. C’est une zone ostréicole. Les anciens marais salants
étaient tous transformés en claires. On apercevait des bâtiments ostréicoles et
du matériel entreposé au bord d’une petite sente. Et puis …
Et puis, juste à côté du tas de cailloux sur lequel les goélands avaient
niché, une construction curieuse nous apparut : Il y avait là, fraîchement
construits … À l’évidence, c’étaient les gradins d’un théâtre à l’antique !
… Un théâtre tout semblable à ceux des Romains – Vous savez, il y en a encore
chez nous et cela nous fait rêver à Astérix et Obélix … On avait relevé la
terre, on l’avait revêtue de plaques d’ardoise … Vous savez, ces plaques
d’ardoise que les ostréiculteurs utilisaient naguère comme collecteurs de
naissain …
On voyait bien que les travaux n’étaient pas achevés, mais leur
avancement était tel que l’on comprenait aisément ce qui se passait là …
Et
l’on ne pouvait que s’extasier sur l’intelligence des promoteurs : Pensez
donc : Un théâtre de plein-air !… Un théâtre assez grand pour
accueillir des centaines de personnes … Et surtout, un théâtre qui ne coûtait
rien, ou presque rien ! Les matériaux étaient des matériaux de
récupération, appartenant à l’ostréiculteur propriétaire du terrain …. Les
travaux étaient faits par une bande de copains qui n’avaient rien demandé au Ministère
des Affaires Culturelles, ni au Préfet, ni même au Maire … Ils n’avaient rien
demandé aux habituels distributeurs des ressources tirées des poches des
contribuables !
J’ai crié au génie ! Tout de suite : Le génie !
Et
puis … Le théâtre d’ardoises était né, et tous les étés, il présentait des
groupes artistiques de qualité … Il n’y a pas tant, en Oléron, de
manifestations artistiques de qualité : Les estivants ont pris vivement
l’habitude d’enfiler le sentier pour s’asseoir sur les gradins d’ardoises …
On me dit que cette géniale installation ne respecte pas les règles
d’urbanisme … Qu’elle n’a pas reçu de permis de construire … Que sais-je
encore ?
Écoutez : On ne critique
pas le génie … On ne demande pas que l’on fasse venir le gendarme ! On
applaudit et on aide ! …. Oui, on aide : Point n’est besoin de
prendre une pioche ou une pelle : Ce travail-là, il est fait ! On
aide en facilitant la mise en règle par rapport aux normes qui n’ont pas été
respectées et on intervient là où il le faut, pour faire obtenir les
autorisations et les régularisations nécessaires !
Mais on ne montre pas du doigt en criant AU LOUP !
Et
après, on applaudit et on demande à Madame la Ministre de la Culture
l’attribution, pour l’idée de génie et pour le travail accompli, d’une Médaille
des Arts et des Lettres qui saluerait d’un coup de chapeau !! On pourrait
encore demander l’appui de l’Académie de Saintonge … Elle décernerait bien une
médaille !
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