L’ARRIVÉE DES CIGOGNES
Quand j’étais
petit … Mon Dieu, mon Dieu, suis-je si vieux maintenant ? … Quand j’étais
petit, tout le monde savait bien que
les cigognes apportaient
les bébés : Chacun avait pu le voir : Hansi était venu sur terre
enveloppé dans un drap noué et tenu dans le bec d’une cigogne.
Oui, mais Hansi
était un petit Alsacien et les cigognes étaient en Alsace … Pas en
Charente ! … Chez nous, les petits garçons naissaient dans les choux et
les petites filles naissaient dans
les roses !
Dans nos marais,
il y avait des hérons cendrés, beaucoup de hérons cendrés … À tel point que,
dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, tous les pêcheurs
d’anguilles s’affolaient : Les hérons engloutissaient tout !
Eh bien
maintenant, on cultive toujours des choux dans nos potagers et on plante de
plus en plus de rosiers dans nos jardins, mais en plus … Nous avons des
cigognes ! Elles sont arrivées récemment, somme toute : Ce n’est
guère depuis plus de dix ou quinze ans qu’on peut les voir :
« Tu as vu ? … Depuis Saint-Agnant jusqu’à
Marennes, tous les poteaux de la ligne à haute tension sont habités par les
cigognes ! »
Elles ont construit des nids sur les poutrelles … Des nids
dont le volume augmente chaque année. Dès l’arrivée du printemps, les cigognes
sont dans leurs nids. On ne tarde pas à distinguer les petits cigogneaux … Les
parents, eux, arpentent gravement et solennellement le bords des ruissons et
les bosses des marais, haut perchés sur leur longues pattes rouges …
Les cigognes sont d’abord apparues vers
Brouage : Les membres de la Société de protection des oiseaux avaient
installé des nichoirs artificiels, sur des poteaux de bois … Et, ma foi,
maintenant, il y a des cigognes plein les marais … Le temps de nicher, d’élever
les petits, puis elles sont reparties ! … Je n’ai toujours pas réussi à en surprendre une au moment où
elle apportait un bébé dans son bec !
Les hérons cendrés, eux, on les avait
toujours connus chez nous : Tête rentrée dans le cou, faisant le gros dos
… Ils attendent patiemment que le fretin passe à leur portée. De temps à autre,
ils agitent leurs grandes ailles pour une courte envolée. Comme les vanneaux
huppés, ils sont de chez nous depuis le fond des temps … Les vanneaux, en
hiver, ils s’abattent par grands voiliers sur les prés, piaillant et piquant la
terre humide pour chercher des vers. Sur le terrain d’aviation de Saint-Pierre,
on peut en voir des milliers. Ils sont malheureux lorsque la terre est gelée.
Je me moquais de mon frère … Il vient de
la Côte d’Azur pour passer quelques semaines, l’été : Il avait vu des
aigrettes garzettes et il me disait qu’il avait vu … Des ibis sacrés ! …
Sacré Pierre ! - Citadin, va !… Des ibis sacrés en Oléron ! …
Les ibis, ce sont des oiseaux du Nil … C’est en Égypte qu’on les trouve !
Ce ne sont pas de très beaux oiseaux d’ailleurs : Ils ont le cou tout
déplumé, ils sont tout bossus et ils sont noir et blanc. Je n’avais pas tort de
me moquer du citadin mais,
quelques mois plus tard … Il aurait bien pu se moquer de moi : Là, dans
les près, au milieu des derniers marais de Brouage … Toute une bande d’ibis
sacrés ! … Je n’en croyais pas mes yeux ! Un peu plus tard, je
retrouvai mes sacrés oiseaux dans l’île d’Oléron …. Après documentation
j’appris qu’en effet, un couple d’ibis s’étant échappé des volières d’un zoo
breton s’était reproduit, tant et si bien que maintenant, on tentait de les
exterminer pour qu’ils ne fassent pas concurrence aux espèces
locales ! Les ibis sacrés
d’Isis et Osiris … en Oléron !
Réchauffement climatique ? …
N’allons pas trop vite aux conclusions … Les modifications de l’environnement
et celles causées par les importations d’espèces étrangères sont en cause,
elles –aussi.
Nous avons vu bien des modifications dans les
peuplements, depuis notre jeune âge et nous en verrons d’autres …
Revenons aux aigrettes garzettes dont
nous parlions tout à l’heure : La première fois que j’en ai vu … C’était à
Brazzaville, au Congo ! Il y en avait partout où il y avait des bovins, ou
si ce n’était des aigrettes garzettes, cela y ressemblait fort … On les
appelait des « garde bœufs » ! Ces petits hérons blancs étaient
très utiles au Congo : Non seulement ils débarrassaient soigneusement les
bovins de leurs parasites, et c’est pourquoi on les voyait souvent perchées sur
le dos des vaches et des bœufs … Mais, en plus, ils étaient très utiles … Aux
footballeurs ! – En effet, comme les aigrettes fréquentaient beaucoup les terrains de football, il
suffisait d’aller les voir à la veille d’un match important … L’entraîneur
français de l’équipe nationale n’y manquait jamais : Selon le positionnement
des aigrettes sur la pelouse, on pouvait tirer des augures quant à la réussite
ou bien à l’échec de la partie du lendemain … Et si une aigrette était perchée
sur les bois des buts … Alors, on était sûr de gagner ! – C’est ainsi que
l’entraîneur « gonflait » le moral de son équipe …
Les aigrettes,
moi, je les ai vues arriver en Oléron … Il n’y a pas si longtemps que ça !
La première, je l’ai vue à La Rochelle, au bord d’un canal, dans le jardin
public ! Cette rencontre m’a beaucoup surpris. Et puis il en est arrivé
beaucoup, surtout vers Boyardville. Elles se sont approprié un bel arbre, à
côté du canal de La Perrotine, tout près de la maison de Monsieur Signol …
Elles y ont établi leur base … Ont construit leurs nids dans les branches et …
Maintenant, il y en a partout … Dans les marais, du Nord au Sud de l’île … Dans
les près … Au bord de mer, quand la marée découvre l’estran … L’aigrette
garzette, toute blanche, avec sa plume sur la tête … Sa plume qui lui donne son
nom …. C’est maintenant l’oiseau que l’on voit partout !
Est-ce l’arrivée
des aigrettes qui a causé la quasi disparition des avocettes ? …
Je ne saurais répondre à cette question,
mais effectivement, les avocettes qui autrefois étaient nombreuses se font très
rares aujourd’hui. Ce sont d’élégants oiseaux blancs aux longues pattes. On les
reconnaît à leur bec recourbé vers le haut, contrairement à celui des courlis,
que l’on appelle chez nous des « courbejaux » . Les courlis passent
toujours et font entendre leur double sifflet, sur deux tons : Le premier
long, le second bref … Mais les avocettes sont classées parmi les espèces
protégées, en voie de disparition.
Les échasses
sont aussi des oiseaux élégants, leva nt
haut les pattes, qu’elles ont rouges. On les trouve au beau milieu des marais,
fouillant la vase molle à la recherche de leur nourriture. Elles nichent chez
nous et, lorsqu’on approche tant soit peu du nid d’une échasse, celle-ci
s’élève en criant comme une vieille charnière rouillée. Elle ne s’éloigne
guère, tout en continuant à crier. Elle bat des ailes. Son vol décrit des cercles
autour du nid, jusqu’à ce que vous vous soyez éloigné. Il y a encore beaucoup d’échasses à
pattes rouges en Oléron, mais il me semble qu’il y en a moins qu’autrefois …
Dans nos marais
et leurs canaux vous pourrez trouver des cygnes. Je n’en avais jamais vu
pendant ma jeunesse. Ils sont arrivés approximativement en même temps que les
cigognes, c’est-à-dire tout récemment. Un jour, revenant de La Rochelle et,
bien sûr, ayant fait le détour par la route de Brouage, j’ai vu dans un pré un
groupe de cygnes posés les uns à côté des autres … Il y en avait tant que j’ai
cru voir un troupeau de moutons, derrière les tamarins ! Ils arrivent en
groupes, en effet, puis ils se dispersent ensuite par couples.
Ils nichent chez nous et vous pourrez en rencontrer plusieurs
couples, suivis de la kyrielle de leurs petits. Le cygne adulte est blanc, mais
les jeunes sont grisâtres. Ils sont parfaitement dédaigneux et indifférents …
Vous pourrez les approcher de très près sans qu’ils modifient pour cela leur
comportement : Ailes légèrement écartées, souvent, et une patte relevée
sous l’une d’elles, ou bien le cou replié, la tête cachée … Vous ne troublerez guère leurs
évolutions aquatiques … À moins
que vous ne soyez accompagné d’un chien … Alors, là, ils pédaleront de toutes
leurs forces pour se propulser sur l’eau … C’est lourd, un cygne, et le
décollage est difficile … Difficile et très bruyant : Le battement des
ailes s’ajoute au battement des palmes !
J’ai trouvé un
jour un cygne adulte sur la route qui va des Allards à Boyardville … Si cela
vous arrive … Oh ! Je vous en prie … Ralentissez votre voiture : Cet
oiseau splendide ne trouve pas assez d’espace dans la largeur de la route pour
le décollage … Une haie à droite, une haie à gauche : Quand il a voulu
décoller, il est tombé dans la haie ! Mais une fois qu’il a décollé, alors
là, le cou tendu en avant, il assure son vol et s’en va tout droit …
Son vol est bruyant : ses deux ailes battent
ensemble et produisent des sifflements rythmés qui le font entendre de loin … Ah ! Les cygnes qui
passaient au-dessus de mon jardin , à Saint-Georges, juste à hauteur des toits !
Parler de
modifications climatiques à propos des cygnes ? – Je ne suis pas certain que ce soit
opportun.
Je ne voudrais
pas oublier d’évoquer le passage des tadornes … Le tadorne de belon, c’est là
son véritable nom, est un superbe oiseau bicolore, dont la grosseur approche
celle de l’oie … Est ce un canard ? – Est ce une oie ? Il arrive
qu’on les rencontre en petits groupes, mais la plupart du temps, ce sont des
couples que l’on rencontre. Souvent, on en voit dans les marais de
Plaisance : Roux et blancs, stature haute, ils sont splendides !
Et pour finir
…Car mon intention n’a jamais été de passer en revue tous les oiseaux d’Oléron,
migrateurs ou sédentaires, oiseaux des grèves, oiseaux des marais, oiseaux des
bois et des prés, oiseaux des jardins … Je laisse cet inventaire à la ligue de
protection des oiseaux, qui a son siège à la corderie Royale de Rochefort …
Elle le fait très bien : Vous pourrez rencontrer quelque jour leurs
naturalistes, accroupis derrière les lunettes qui leur permettent d’observer
les comportements des oiseaux : Ils sont souvent, l’hiver, entre La Brée
et Saint-Denis, car c’est là que séjournent jusqu’au printemps les milliers
d’oies bernaches qui repartiront vers la toundra de Sibérie.
Les chasseurs et
les amoureux de la nature vous
diront que les populations animales changent au fil des
années : Il n’y a plus guère de perdrix sauvages, grises ou rouges … On
fait des lâchers d’oiseaux d’élevage.
Les faisans que l’on peut encore
apercevoir, se courbant vers le sol et filant pour se cacher entre les rangs
des vignes, sont tout droit sortis des volières d’un éleveur.
On ne rencontre plus guère de cailles
que chez son volailler, toutes plumées et vidées ! Je ne sais pas trop si
l’on trouve encore des bécassines .. .
Mais voyez-vous, ce qui me manque
beaucoup, à moi … Ce sont les alouettes … Les humbles alouettes des
champs : Oh ! Il y en a encore, bien sûr, mais cela fait bien
longtemps que je n’ai vu une alouette, dans le petit matin, jaillir d’entre les
mottes d’un frais labour et s’élever à la verticale, battant des ailes comme un
colibri et chantant, chantant … On dit de l’alouette qu’elle grisolle et c’est
un chant d’ivresse et c’est un chant d’allégresse … J’ai longtemps rêvé, quand j’étais petit … Eh oui, c’était
il y a bien longtemps ! … J’ai longtemps rêvé que, par un miracle du sort,
je rapetissais, je rapetissais … J’enfourchais l’encolure d’une alouette et nous
montions dans le soleil levant, nous montions en grisollant ! – Mais on
dit que les alouettes sont sensibles à la pollution lumineuse et que nos
éclairages électriques nuisent à l’espèce … C’est bien possible : Ne
chassait-on pas l’alouette au miroir ?
Je veux, je veux
encore enfourcher l’alouette et, au rythme de ses ailes battantes, monter,
monter, si haut que j’aurai vue sur l’ensemble de l’île et de ses marais, de
ses côtes sur lesquelles les vagues se roulent en ourlets de sables … Je
verrais jusqu’aux îles voisines, je verrais jusque sur le continent : La
Rochelle, Rochefort, Royan … Je
crois que j’en défaillerais de bonheur.
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