lundi 9 septembre 2013

LA LÉGENDE DU MARAIS CHAT ...










LA LÉGENDE DU MARAIS CHAT


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Confortablement roulée dans le fond de la grange, la chatte de la mère Counil a mis bas. Elle s’est bien cachée, la mâtine et nul n’a pu la découvrir ! Pourtant, la semaine suivante, celui qui l’aurait vue chasser par les nuits sans lune eût peut-être deviné le mystère … Elle se traînait, hâve, maigre à faire peur et cent fois dans la journée pour le moins, elle faisait le chemin qui conduisait au grenier … Chaque fois revenant avec une souris grasse et dodue. La chatte de la mère Counil avait-elle mis bas une portée trop importante et le nombre de bouches à nourrir était-il si grand qu’elle en fût épuisée ? - Eh, non ! La chatte n’avait qu’un seul enfant, mais quel enfant ! Le lendemain de sa naissance, il était déjà aussi gros que sa mère, ou presque …

                                                               


Alors que la chatte, épuisée, exhalait son dernier soupir,  on eût pu voir sortir de la grange un véritable monstre… C’était bien juste s’il passait par la porte. Vous me direz qu’avec une taille pareille, on aurait bien dû le découvrir depuis longtemps … Sans doute, mais c’était la belle saison et les bêtes étaient au pré : On venait rarement dans la grange.

Pendant longtemps encore on n’entendit pas parler du chat monstrueux.

Puis, un jour, on s’aperçut que les poules désertaient les poulaillers, les pigeons les colombiers et bientôt les chèvres leur étable … On en perdait la trace et on se perdait en conjectures .. . On se soupçonnait l’un l’autre, on s’accusait, on s’épiait et l’on n’invitait plus son voisin à boire un coup dans les chais. On allait probablement en venir aux mains … Lorsque survint Pirouitt, le simple d’esprit, l’idiot du village … Il rapportait qu’au clair de la lune, alors qu’il suçait la rosée sur une feuille de laurier, il avait vu un énorme chat « bien plus gros qu’un énorme bœuf » … Il sortait du village en emportant quatre canards, six poulets et un chevreau dont le sang inondait ses moustaches et ses babines.


                                                   


On se moqua, on hua, on siffla … Et pourtant … Les veaux maintenant disparaissaient et, plusieurs fois, on trouva des traînées de sang conduisant vers les bois ou les marais … Un soir, enfin Pirouitt mena les plus courageux, armés jusqu’aux dents, dans les marais. Ils marchaient à reculons pour pouvoir s’enfuir plus vite en cas de besoin … On vit un énorme tas d’ossements broyés et blanchis. Juste au moment où l’on vit les feuilles bouger … On prit ses jambes à son cou … Quatre courageux disparurent ce jour-là, or il n’y en avait que cinq en tout dans le village. Le dernier assura que le chat les avait mangés, mais d’autres m’ont dit qu’ils étaient partis chercher fortune en Amérique …


                                                   




On tint conseil et l’on décida … De nommer une commission … La commission proposa de monter une expédition punitive. Oui, mais voilà … Qui irait ?

Les plus hardis pensaient que, puisque Pirouitt avait été le premier à voir l’animal, c’était lui qui devait y aller … Chacun trouva ce conseil fort sage. On offrit des armes. Pirouitt les refusa et, tandis qu’il partait, un brin de paille à la bouche, on pria pour lui.

Pirouitt jugea … Il n’était pas si fol ! que  ce gros chat certainement, n’avait pas vu de souris depuis fort longtemps, incapable qu’il était de se glisser sous,les chatières et sous les fagots …


                                                   



Il emporta donc, dans la seule de ses poches qui ne fût pas percée, une … Petite souris blanche !
Face à face avec le monstre, au détour d’un étier, il sortit sa petite souris … Et le chat se sauva à toute vitesse ! … Vous savez, même les éléphants ont peur des souris : Ils craignent qu’elles ne se faufilent à l’intérieur de leur trompe … Le chat se sauva si vite que, faute de regarder devant lui, il tomba dans le marais et s’y noya.

C’est depuis ce temps-là que le marais de Chaucre s’appelle le « Marais Chat ».

Quant à Pirouitt, on décida de lui faire une statue et de l’ériger devant la mairie. Mais …. Tout bien réfléchi, on jugea moins coûteux de lui offrir un vieux chapeau de feutre tout percé au travers duquel, en le tenant devant les yeux, on pouvait voir les étoiles …

Pirouitt, pour sa part, estima ce cadeau fort préférable car, à quoi servirait une tête, si ce n’est à être garnie d’étoiles et de rêves ?





                                                                   



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