LA TERRE SE SECOUE !
C’était un soir comme les autres. Le
temps était doux. Il n’y avait pas de vent. On entendait siffler les courlis
dans les marais. Ce sont des sifflements très doux, flûtés, sur deux
tons : Le premier long, le second très bref. On ne peut les confondre. Des
vanneaux, je crois pépiaient.
Nous étions dans la maison du Douhet,
grande longère située au bord de la route qui s’enfonce entre les marais pour
rejoindre celle qui mène à L’Illeau puis à L’Île. Nous étions couchés :
Nous regagnions toujours de bonne heure notre chambre car les journées étaient
bien occupées lorsque nous étions en vacances là-bas : Les horaires des
marées rythmaient nos jours et nos nuits. La marée basse était-elle à trois
heures du matin, nous étions debout pour relever nos filets. La marée basse
suivante était à quinze heures trente : Nous étions dans les rochers pour
y dénicher les crabes …
Les lampes à carbure étaient éteintes,
mais pas depuis très longtemps … On sentait encore cette odeur aillacée de
l’acétylène … Je n’oublierai jamais cette odeur !
Lequel de nous deux, mon épouse ou
moi-même se dressa sur le bord du lit ?
- « Tu entends ? me demanda
Sophie … On dirait un train qui arrive ! »
-
- « Un train ! Il y a longtemps
qu’il n’y a plus de voie ferrée en Oléron ! Tu parles … C’est tremblement
de terre … Vite, il faut prendre les enfants et sortir … Vite ! »
Il faut dire que, les tremblements de
terre, j’en avais l’expérience : J’avais vécu pendant trois ans dans
l’archipel des Nouvelles Hébrides, sur le flanc d’un volcan de l’île de Tanna,
et il faut préciser que ce volcan était en activité permanente. J’en avais
enduré des secousses, et de belles !
Sophie n’avait pas la même expérience.
Elle a mis un moment à réaliser ce que voulais dire lorsque je lui parlais de
tremblement de terre. C’était vrai que l’on aurait dit un train qui passait …
Un train, tu parles : Notre maison était située entre deux canaux :
Le canal du Douhet par devant, l’étier des marais des Boulassiers par
derrière ! … Réveiller les quatre enfants, les pousser, en prendre un dans
les bras … Nous voilà dehors dans la nuit. Elle est claire, la nuit,
heureusement. La lune est à son plein et son disque argenté éclaire tout le paysage
… Le train … Le train qui roulait … Le train a roulé trois ou quatre
minutes … C’est long, trois ou quatre minutes, quand un train vous arrive
dessus !
En Oléron, un tremblement de
terre ? – Passe encore au pied des volcans de la ceinture du Pacifique,
mais dans l’île ? – Dans notre île !
Mon père m’avait bien montré un bloc de
pierre ponce qu’il avait ramassé sur la grève, à Chassiron. Il prétendait que
cette pierre ponce provenait d’un séisme … Peut-être du séisme qui avait ouvert
le pertuis d’Antioche … Il envisageait la possibilité de secousses terrestres
qui auraient disloqué les rivages, ouvert non seulement le Pertuis d’Antioche,
mais aussi celui de Maumusson et qui aurait isolé l’île d’Aix comme l’île
Madame … Je n’y avais pas beaucoup
cru, mais sait-on jamais ! En fait, des morceaux de pierre ponce, il en
dérive sur les océans … Depuis l’explosion du Krakatoa, en 1883 ! Il faut
bien qu’ils finissent par s’échouer sur quelque rivage !
Au petit matin, nous sommes éveillés dès
potron-minet . C’est le déclic de la crémaillère que manœuvre l’écluse qui nous
a tirés du sommeil … Ah oui !
… Le tremblement de terre ! … Il n’y a pas eu de réplique. Bien souvent,
il y a des répliques et je m’y attendais. Eh bien non, il n’y a eu qu’une seule
secousse, mais elle a été sérieuse et longue. Nous nous précipitons à
l’extérieur : Non, les cheminées ne sont pas tombées … Les murs ni le
toit, rien n’a souffert : La bâtisse est vieille, mais mon père l’a bien
entretenue. Dans le paysage, rien n’a changé : Aucun bouleversement … Tout
est paisible. Les enfants ont besoin d’être rassurés, nous nous y employons. Le
calme revient.
Ah, mais oui ! Le calme revient …
Lorsque nous arrivons à Saint-Georges pour y faire nos courses, toutes les
commères sont dans la rue … Leurs hommes ramassent les tuiles qui sont tombées
des toits. Quelques cheminées sont tombées aussi … Dans les cuisines, des pots
de confiture sont tombés par terre … La secousse a été forte, tout de
même ! À Saint Pierre, c’est le même spectacle … On dit que des gens qui
étaient en vacances ont sauté dans leur voiture et se sont dépêchés de passer
sur le continent. À en croire certaines commères, c’est presque une ruée qui a
eu lieu ... Ces racontars sont quelque peu exagérés, mais il est vrai que certains
ont eu assez peur pour prendre la poudre d’escampette. On m’a assuré que
certains ont mis leur maison oléronnaise en vente dans les jours qui ont suivi,
se jurant de ne plus mettre les pieds dans l’île. Je l’ai vérifié, c’est
vrai : Il y a eu des résidents secondaires qui ont vendu leur maison ...
Je ne me souviens plus de la date exacte
à laquelle ce tremblement de terre s’est produit … Ce devait être un peu avant
1970 : J’ai dans ma vie des repères qui me permettent de situer les
évènements dans cette époque là, et d’ailleurs, n’importe quel Oléronnais
précisera les choses, en creusant un peu sa mémoire.
Il y a eu d’autres tremblements de terre
en Oléron, certains plus récents. À l’époque, des chercheurs autorisés m’ont
confirmé qu’Oléron était bien située en zone sismique : La poussée de
l’érection des montagnes pyrénéennes s’exerce, me disaient-ils de telle façon
qu’elle bute sur le massif Armoricain et les secousses sismiques ont lieu dans
les parages oléronnais. D’autres spécialistes, depuis, ont remis en cause les
tracés des lignes de fracture : J’ai souvenir d’une enquête publique qui
avait lieu en mairie de Dolus .. Il s’agissait d’un important projet de
construction à la Vezouzière. Lorsque j’ai consulté le dossier de l’enquête,
j’ai tout de même été plus que surpris de découvrir qu’un trait rouge était
tracé sur les plans : Il coupait la zone de la Vezouzière très exactement
par le milieu … La légende éclairait les choses : Il s’agissait de rien de
moins que du tracé de la « ligne de fracture sismique » ! Je
n’ai pas la prétention d’affirmer
que ce sont mes observations qui ont fait abandonner le projet … Mais il
fut bel et bien abandonné ! D’autres projets virent le jour, toujours concernant
la zone de la Vezouzière … Mais il paraît que, maintenant, les spécialistes ne
reconnaissent plus de ligne de fracture sismique à cet emplacement … On veut bien y croire … Plaise au
ciel que cet effacement de la ligne de fracture ne résulte pas d’un appétit du gain
tel que les milieux de l’urbanisation en ont connu en d’autres endroits !
Explosion du volcan Yasour, aux Nouvelles-Hébrides (actuel Vanuatu).
Explosion du volcan Yasour, aux Nouvelles-Hébrides (actuel Vanuatu).
Mais ne vous empressez pas pour autant
de sauter dans votre voiture et de passer le pont : Après tout, la
prochaine secousse … C’est peut-être bien sur l’autre rive du coureau d’Oléron
qu’elle aura lieu … Si elle a lieu !
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SI VOUS VOULEZ LIRE D'AUTRES TEXTES CONCERNANT OLÉRON, CLIQUEZ VITE SUR LE PROCHAIN MOT ÉCRIT EN ROUGE, PUIS SUR L'ADRESSE SURGISSANTE ... BONNE LECTURE !
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