dimanche 15 septembre 2013

XYNTIA





              XYNTHIA



                           



Nous sommes le vingt-sept février  de l’année 2010. Une tempête nous est annoncée pour la nuit qui vient. Elle est au rendez-vous, mais elle ne s’avère pas du tout aussi terrible pour Oléron que celle de décembre mille neuf cent quatre-vingt dix neuf .

Et puis … Depuis la tempête Martin, de décembre quatre-vingt dix-neuf, il y a eu Klaus, autre tempête … Elle est passée plus bas dans le Sud et ce sont plutôt les départements de la Gironde et des Landes qui ont été touchés … À cause de cette succession de tempêtes, nous sommes peut-être un peu blasés ?

En tout cas, le vent ne nous a pas empêchés d’aller nous coucher, le vingt-sept février 2010 … Et nous avons bien dormi ! … Oh ! Nous nous sommes bien réveillés quelques fois en entendant le vent siffler dans l’œil de bœuf sous le toit, mais rien de comparable avec ce que nous avions ressenti lors du passage de Martin.

Martin … Klaus …  Xynthia … Au fait, d’où nous viennent ces prénoms par lesquels on désigne les tempêtes et les cyclones ? – Ils nous viennent d’Allemagne, et c’est sur une liste dressée par les météorologues allemands qu’est choisi le prénom de la tempête qui arrive … Il paraît même que l’on peut faire inscrire son prénom sur la liste pour baptiser un prochain cataclysme … Où se nichent les vanités ? … Car il faut payer, bien sûr, pour faire inscrire son prénom (ou celui de sa belle-mère) sur la liste des cyclones à venir ! …

Quoi qu’il en soit, le vingt-huit février 2010, je me lève de bon matin. Il fait chaud pour un mois de février, anormalement chaud : On m’expliquera que la tempête a rameuté au passage des vents qui venaient du Sahara … Je prends tranquillement mon petit-déjeuner et puis, je ne sais pourquoi, je sors de chez moi. Je rencontre le grand Daniel Dodin … Il fait une tête d’enterrement ! 

                              

-         « Salut, lui dis-je , tu n’as pas bien dormi ? »

Il me répond je ne sais trop quoi : Je n’ai pas bien compris. Je lui fais répéter :

- « Comment aurais-je dormi ? … La tempête … »


« Quoi  … La tempête ? 
Elle ne m’a pas empêché de dormir. Ce n’est tout de même pas la tempête de décembre mille neuf cent quatre vingt dix-neuf ! »



Vous n’allez tout de même pas nous dire que  vous aviez dormi toute la nuit, avec ce vent qui soufflait plus de cent trente kilomètres à l’heure ! La tempête avait, dans la nuit, parcouru toute l’Europe, du Portugal à la Belgique et à la Scandinavie, l’Allemagne, le Luxembourg  … Rien qu’en France elle avait sévi dans les Pyrénées, dans les Landes, la Gironde, la Charente Maritime, la Vendée, la Normandie, l’Île de France  ... Elle avait ensuite gagné la Grande Bretagne  … Partout des digues étaient rompues, des terres, des villages entiers étaient inondés : Quarante-cinq mille hectares de terres cultivables étaient recouverts par les eaux, dont dix mille rien qu’en Vendée … Des routes avaient été emportées, des voies ferrées … Rien qu’en Charente Maritime, douze personnes avaient trouvé la mort … En Vendée, il y avait eu trente cinq morts … Et je ne compte pas ceux des autres départements, ni ceux des autres pays … Et vous avez bien dormi !

Eh bien oui, j’ai bien dormi  … Que voulez-vous, est-ce que j’en suis coupable ?

Le grand Dodin est le responsable du Secours Catholique pour l’île d’Oléron  … À ce titre il s’est dévoué toute la nuit :



- « Non, Michel, c’est sérieux : À Boyardville, la moitié du village est sous les eaux. Une femme a été retrouvée morte chez elle. 
   Des tas de gens ont tout perdu … Pour beaucoup d’entre eux il faut trouver un logement de dépannage. Je viens d’amener deux personnes, des femmes seules, chez les soeurs … On a ouvert une structure d’accueil à la salle des fêtes … On a besoin de couvertures, de boissons chaudes, de vêtements … »

                                   


C’est donc la guerre ici ? – Oui, cela ressemble à la guerre : Des pompiers sont sur place, d’autres arrivent en secours, des bénévoles affluent. Des badauds, encore plus nombreux ...

Je monte dans ma voiture et je vais voir sur place. Dès l’approche, en venant de Sauzelle, la chaussée est inondée à partir des premières maisons du village de Boyard : Les jardins, les près, les maisons … Tout est dans l’eau.  L’eau, on le voit bien est venue de deux côtés à la fois : Elle est venue du canal qui a débordé et a recouvert tous les prés du côté du garage et des maisons Signol … Elle est venue de l’autre côté et elle est entrée dans le terrain de camping : J’en déduis que la digue du canal s’est rompue, vers le bassin à flot et que la mer a envahi toutes les parties basses du village … Le canal est, par endroits, de deux à trois mètres plus haut que les rues et que le sol des maisons ! D’ailleurs il faut remarquer que nos anciens n’avaient pas construit à cet endroit : Ce n’est qu’au dix-neuvième siècle que l’on a commencé à bâtir, pour assurer la logistique de la construction du fort Boyard …
Encore faut-il dire que le canal, primitivement, ne se déversait pas à cet endroit, mais à la Vieille Perrotine !

Les écluses ne sont plus entretenues, les digues ne le sont pas  plus …. 
Le résultat, c’est que la mer est entrée dans le village de tous les côtés à la fois : De l’autre côté du canal, sur le territoire de la commune de Saint-Pierre, les maisons récentes ont été construites  sur la levée du canal et, comme la marée a monté beaucoup plus haut qu’on ne l’avait imaginé …


J’en ai assez vu : Je suis allé à pied jusqu’au bassin à flot et je suis revenu … Un bateau en aluminium  d’au moins six à huit mètres de long avait été soulevé par le flot et se trouvait juché sur le trottoir … Une rue très étroite était pleine d’eau, à tel point que les sauveteurs étaient en train de la remonter avec un canot pneumatique, tapant sur les fenêtres et les portes pour vérifier s’il y avait des occupants .. . Des choses indéfinissables flottaient ça et là : Matelas, casseroles, barbecues, outils … Que sais-je ?

Ne pas gêner les sauveteurs … C’est le moins que l’on puisse faire, or des curieux arrivaient de tous côtés, garant leurs voitures où ils le pouvaient, prenant des photographies, discutant  … Le mieux que j’avais à faire était de repartir chez moi !

En Oléron, la mer avait gonflé, suite aux basses pressions atmosphériques. Comme le vent soufflait et comme le coefficient de la marée était très fort, la conjonction de ces trois facteurs avait fait entrer la mer dans les terres. Sur la côte Ouest, les vagues avaient détruit les dunes, particulièrement sur la grande plage de Saint-Trojan, aux Alassins, à Vert-Bois … Aux Huttes, la route côtière avait disparu. Sur la plupart de ces côtes, le trait de côte avait reculé de vingt mètres au moins ! À Saint-Trojan même, la mer avait pénétré jusqu’au bâtiment des pompiers  … Sur la côte Est, plate et marécageuse,  la marée avait englouti tous les prés, tous les marais . ..

                                

Je me garderai de raconter la suite … Je n’ai pas qualité pour cela … Rappelons tout de même que l’État offrit de racheter à leur valeur estimée antérieure à la tempête, les maisons qui avaient été inondées : On les détruirait pour que des événements semblables ne se reproduisent pas. Rappelons qu’il eut une lutte âpre de la part de certains habitants, résidents permanents ou résidents secondaires pour éviter la destruction de leurs biens … Espérons que la leçon aura servi aux promoteurs, aux autorités en matière d’urbanisme et aux candidats à la construction !


                                                               



Oléron, dans le fond, s’en était mieux sortie que l’île de Ré, sa voisine,  beaucoup mieux sortie que les localités voisines de La Rochelle et mieux encore que les villages vendéens qui ont tant souffert  … Chance ! -  Une étude universitaire concluait même que la saison estivale suivante n’était pas compromise  ... Et de fait, elle ne le fut pas.


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