XYNTHIA
Nous sommes le vingt-sept février de l’année 2010. Une tempête nous est
annoncée pour la nuit qui vient. Elle est au rendez-vous, mais elle ne s’avère
pas du tout aussi terrible pour Oléron que celle de décembre mille neuf cent
quatre-vingt dix neuf .
Et puis … Depuis la tempête Martin, de
décembre quatre-vingt dix-neuf, il y a eu Klaus, autre tempête … Elle est
passée plus bas dans le Sud et ce sont plutôt les départements de la Gironde et
des Landes qui ont été touchés … À cause de cette succession de tempêtes, nous
sommes peut-être un peu blasés ?
En tout cas, le vent ne nous a pas
empêchés d’aller nous coucher, le vingt-sept février 2010 … Et nous avons bien
dormi ! … Oh ! Nous nous sommes bien réveillés quelques fois en
entendant le vent siffler dans l’œil de bœuf sous le toit, mais rien de
comparable avec ce que nous avions ressenti lors du passage de Martin.
Martin … Klaus … Xynthia … Au fait, d’où nous viennent
ces prénoms par lesquels on désigne les tempêtes et les cyclones ? – Ils
nous viennent d’Allemagne, et c’est sur une liste dressée par les météorologues
allemands qu’est choisi le prénom de la tempête qui arrive … Il paraît même que
l’on peut faire inscrire son prénom sur la liste pour baptiser un prochain
cataclysme … Où se nichent les vanités ? … Car il faut payer, bien sûr,
pour faire inscrire son prénom (ou celui de sa belle-mère) sur la liste des cyclones à venir ! …
Quoi qu’il en soit, le vingt-huit
février 2010, je me lève de bon matin. Il fait chaud pour un mois de février,
anormalement chaud : On m’expliquera que la tempête a rameuté au passage
des vents qui venaient du Sahara … Je prends tranquillement mon petit-déjeuner
et puis, je ne sais pourquoi, je sors de chez moi. Je rencontre le grand Daniel
Dodin … Il fait une tête d’enterrement !
- « Salut, lui
dis-je , tu n’as pas bien dormi ? »
Il me répond je ne sais trop quoi : Je n’ai pas
bien compris. Je lui fais répéter :
- « Comment aurais-je dormi ? … La
tempête … »
« Quoi … La tempête ?
Elle ne m’a pas
empêché de dormir. Ce n’est tout de même pas la tempête de décembre mille neuf cent
quatre vingt dix-neuf ! »
Vous n’allez tout de même pas nous dire
que vous aviez dormi toute la
nuit, avec ce vent qui soufflait plus de cent trente kilomètres à
l’heure ! La tempête avait, dans la nuit, parcouru toute l’Europe, du
Portugal à la Belgique et à la Scandinavie, l’Allemagne, le Luxembourg … Rien qu’en France elle avait sévi
dans les Pyrénées, dans les Landes, la Gironde, la Charente Maritime, la
Vendée, la Normandie, l’Île de France
... Elle avait ensuite gagné la Grande Bretagne … Partout des digues étaient rompues,
des terres, des villages entiers étaient inondés : Quarante-cinq mille
hectares de terres cultivables étaient recouverts par les eaux, dont dix mille
rien qu’en Vendée … Des routes avaient été emportées, des voies ferrées … Rien
qu’en Charente Maritime, douze personnes avaient trouvé la mort … En Vendée, il
y avait eu trente cinq morts … Et je ne compte pas ceux des autres
départements, ni ceux des autres pays … Et vous avez bien dormi !
Eh bien oui,
j’ai bien dormi … Que voulez-vous,
est-ce que j’en suis coupable ?
Le grand Dodin
est le responsable du Secours Catholique pour l’île d’Oléron … À ce titre il s’est dévoué toute la
nuit :
- « Non, Michel, c’est sérieux : À
Boyardville, la moitié du village est sous les eaux. Une femme a été retrouvée
morte chez elle.
Des tas de gens ont tout perdu … Pour beaucoup d’entre eux il
faut trouver un logement de dépannage. Je viens d’amener deux personnes, des
femmes seules, chez les soeurs … On a ouvert une structure d’accueil à la salle
des fêtes … On a besoin de couvertures, de boissons chaudes, de vêtements
… »
C’est donc la guerre ici ? – Oui,
cela ressemble à la guerre : Des pompiers sont sur place, d’autres
arrivent en secours, des bénévoles affluent. Des badauds, encore plus nombreux
...
Je monte dans ma voiture et je vais voir
sur place. Dès l’approche, en venant de Sauzelle, la chaussée est inondée à
partir des premières maisons du village de Boyard : Les jardins, les près,
les maisons … Tout est dans l’eau.
L’eau, on le voit bien est venue de deux côtés à la fois : Elle est
venue du canal qui a débordé et a recouvert tous les prés du côté du garage et
des maisons Signol … Elle est venue de l’autre côté et elle est entrée dans le
terrain de camping : J’en déduis que la digue du canal s’est rompue, vers
le bassin à flot et que la mer a envahi toutes les parties basses du village …
Le canal est, par endroits, de deux à trois mètres plus haut que les rues et
que le sol des maisons ! D’ailleurs il faut remarquer que nos anciens
n’avaient pas construit à cet endroit : Ce n’est qu’au dix-neuvième siècle
que l’on a commencé à bâtir, pour assurer la logistique de la construction du
fort Boyard …
Encore faut-il dire que le canal, primitivement, ne se
déversait pas à cet endroit, mais à la Vieille Perrotine !
Les écluses ne sont plus entretenues, les
digues ne le sont pas plus ….
Le
résultat, c’est que la mer est entrée dans le village de tous les côtés à la
fois : De l’autre côté du canal, sur le territoire de la commune de
Saint-Pierre, les maisons récentes ont été construites sur la levée du canal et, comme la
marée a monté beaucoup plus haut qu’on ne l’avait imaginé …
J’en ai assez
vu : Je suis allé à pied jusqu’au bassin à flot et je suis revenu … Un
bateau en aluminium d’au moins six
à huit mètres de long avait été soulevé par le flot et se trouvait juché sur le
trottoir … Une rue très étroite était pleine d’eau, à tel point que les
sauveteurs étaient en train de la remonter avec un canot pneumatique, tapant
sur les fenêtres et les portes pour vérifier s’il y avait des occupants
.. . Des choses indéfinissables flottaient ça et là : Matelas,
casseroles, barbecues, outils … Que sais-je ?
Ne pas gêner les
sauveteurs … C’est le moins que l’on puisse faire, or des curieux arrivaient de
tous côtés, garant leurs voitures où ils le pouvaient, prenant des
photographies, discutant … Le
mieux que j’avais à faire était de repartir chez moi !
En Oléron, la
mer avait gonflé, suite aux basses pressions atmosphériques. Comme le vent
soufflait et comme le coefficient de la marée était très fort, la conjonction
de ces trois facteurs avait fait entrer la mer dans les terres. Sur la côte
Ouest, les vagues avaient détruit les dunes, particulièrement sur la grande
plage de Saint-Trojan, aux Alassins, à Vert-Bois … Aux Huttes, la route côtière
avait disparu. Sur la plupart de ces côtes, le trait de côte avait reculé de
vingt mètres au moins ! À Saint-Trojan même, la mer avait pénétré jusqu’au
bâtiment des pompiers … Sur la côte Est, plate et marécageuse, la marée avait englouti tous les prés,
tous les marais . ..
Je me garderai
de raconter la suite … Je n’ai pas qualité pour cela … Rappelons tout de même
que l’État offrit de racheter à leur valeur estimée antérieure à la tempête, les
maisons qui avaient été inondées : On les détruirait pour que des
événements semblables ne se reproduisent pas. Rappelons qu’il eut une lutte
âpre de la part de certains habitants, résidents permanents ou résidents
secondaires pour éviter la destruction de leurs biens … Espérons que la leçon
aura servi aux promoteurs, aux autorités en matière d’urbanisme et aux
candidats à la construction !
Oléron, dans le fond, s’en était mieux
sortie que l’île de Ré, sa voisine,
beaucoup mieux sortie que les localités voisines de La Rochelle et mieux
encore que les villages vendéens qui ont tant souffert … Chance ! - Une étude universitaire concluait même
que la saison estivale suivante n’était pas compromise ... Et de fait, elle ne le fut pas.
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CONCERNANT L'ÎLE D'OLÉRON, CLIQUER
SUR LE PROCHAIN MOT ÉCRIT EN ROUGE,
PUIS SUR L'ADRESSE SURGISSANTE.
CONCERNANT L'ÎLE D'OLÉRON, CLIQUER
SUR LE PROCHAIN MOT ÉCRIT EN ROUGE,
PUIS SUR L'ADRESSE SURGISSANTE.
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