mercredi 3 décembre 2014

LE FORT BOYARD







LE FORT BOYARD








FORTES TÊTES !





                           
                                                         Henri Rochefort, journaliste polémiste




La dernière fois que je suis allé au fort Boyard, ce devait être aux alentours de l’année 1950. Il appartenait encore à la Marine Nationale, mais il avait été complètement pillé : Quelques morceaux de planches traînées par-ci par-là Quelques restes métalliques non identifiables … Plus de portes, plus de fenêtres. La bâtisse, pendant la guerre qui venait de finir ; avait été prise pour cible d’entraînement par les canonniers allemands, mais les murs n’avaient pas trop souffert.



















                                                                                    Fort Boyard - État actuel






Dans la cour ovale, parsemée de fientes d’oiseaux, du persil poussait … Il poussait là depuis longtemps puisque mon père nous racontait qu’il en ramassait déjà en 1938 !

Parfaite désolation, donc … Et les orbites crevées des meurtrières ne laissaient voir que le bleu pâle de l’Océan et le bleu encore plus pâle d’un ciel de septembre.







Ayant escaladé les marches de pierre, j’accède au dernier niveau et me voilà debout en plein air. Des cris retentissent de tous côtés à cet instant : Des oiseaux qui me semblent innombrables, hargneux, certains noirs, d’autres blancs, gris … Ils giclent et virevoltent … Ils me paraissent énormes. Goélands, cormorans, mouettes, sternes ou labbes … Hérons cendrés … Ce sont les habitants des lieux. Ils me témoignent leur adversité.





Hérons cendrés ? – L’un d’eux est manifestement en détresse : Il se traîne sur les pierres, ses grandes ailes battent le sol, il allonge le cou et le bec : L’une de ses pattes est brisée : Elle se redresse avec un angle étrange … Je me penche pour saisir l’oiseau … Mon frère, qui est resté à bord du bateau puisque le quai d’accostage n’existe plus, me crie :

      « Attention à tes yeux ! » …

Au même instant le bec me frappe à la pommette ! … Chance : Mon œil n’y eut pas résisté. Je cale le héron sous mon bras. Il ne résiste pas très longtemps … Il doit être épuisé : Depuis combien de temps est-il là, traînant la patte, incapable de s’envoler ?

J’emporterai le héron jusque chez le vétérinaire … Il refusera de le soigner … Je le déposerai près d’un bassin du square Para, à Rochefort, à côté de la place « Pique-mouche », ainsi dénommée parce que c’est là que se trouvaient les écuries … Mon héron … Qu’est-il devenu ?







Je l’ai dit : Ce fut la dernière fois que j’allai au fort Boyard … Il fut vendu à un Belge … Qui le revendit à un producteur de spectacles télévisés … Le Conseil Général de la Charente Maritime l’acheta ensuite, le répara sommairement et … Le concéda à l’organisateur de spectacles.

Personnellement, je n’apprécie pas beaucoup ce genre de spectacles, Mais, bon … Il faut de tout pour chaque public : Le fort Boyard, grâce à ces émissions, devint la vedette de cettecôte atlantique … Tous les gens qui arrivent de l’autre bout du monde demandent à voir le fort Boyard : Mes amis venant de Tahiti me demandaient dès leur arrivée : - « Où est-il ? »


Conçu dès l’époque du Roi – Soleil, achevé seulement sous Napoléon III … Conçu pour protéger le port de Rochefort et empêcher les flottes anglaises de pénétrer en Charente, Le fort Boyard, lors de son achèvement, était devenu parfaitement inutile : Nous n’étions plus en guerre contre l’Angleterre et, de toute façon, les canons modernes avaient acquis une portée telle qu’ils pouvaient parfaitement tirer à partir d’Oléron ou de l’île d’Aix !
Seule la télévision lui trouva une utilité !



Mais il fut un temps où son utilité présumée était d’une autre nature : Il y eut une garnison au fort Boyard : Ludovic Savatier, mon arrière grand-père en fut le médecin à sa sortie de l’école de Santé Navale de Rochefort … Je crois qu’il fut plus occupé par le choléra qui sévissait à ce moment en Oléron que par toute autre chose.




                            Louise Michel, anarchiste



1870 …. Sedan … Chute de Napoléon III … Révoltes des Communards … Luttes des Versaillais … Henri Rochefort, polémiste assez trouble … Louise Michel, institutrice anarchiste … Condamnations … Incarcérations en « forteresses » … Louise Michel et Henri Rochefort arrivent au fort Boyard … Rochefort quittera son cachot pour celui de la citadelle du Château d’Oléron. Il sera transféré à la citadelle de Saint Martin de Ré … Il sera rejoint par Louise Michel qui embarquera avec lui sur un bateau qui les conduira jusqu’en Nouvelle-Calédonie … D’où ils s’évaderont avec trois autres compagnons, seuls prisonniers ayant jamais réussi à s’évader du bagne de ce territoire … Mais ce serait une autre histoire ! … Que pourra peut-être vous raconter un jour le Père Fouras ! …

Vous ne vous souvenez plus d’Henri Rochefort, ni de Louise Michel ? L’un aurait pu devenir Président de la République et le cercueil de l‘autre fut suivi par des milliers de Parisiens …

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