UNE HISTOIRE DE CONGRE
Par les nuits de septembre, il y a des congres, partout, entre Foulerot et Chassiron …. « Ouigre », des congres partout !
Tu vas à la pêche à l’ouillage -. Tu as ta gourbeille
dans le dos, ton « espio’t » dans la main droite, ton langon en
bandoulière, rejeté dans le dos …
Ah ! Un langon … Vous ne savez pas ce que
c’est ?
-
Comment vous
expliquer ? – C’est un peu compliqué.
-
Un langon, c’est une
foëne (On prononce fouine). Une
foëne, c’est un trident … Sauf que, comme
comme son nom l’indique, un trident, ça a trois dents et le langon, lui,
il n’en a que deux … Deux dents, chacune avec un ardillon bien pointu, bien
aiguisé.
-
La foëne, elle a au
moins trois dents et parfois plus : Quatre, cinq … Elle sert à piquer le
sable à marée basse pour prendre les soles et autres poissons plats …
Le langon, lui … Il ne sert pratiquement qu’à pêcher
les congres … Les congres, en Oléron on aime ça ! On les fait rôtir au
four.
Bon, le langon, on le reconnaît à son
emmanchure : Le manche est beaucoup plus long que celui de la foëne, et
beaucoup plus fin, beaucoup plus souple … Il est fait pour tripatouiller dans
les trous des rochers.
Mon ami Louis, après avoir relevé ses tramails,
autrement dit ses filets à soles … Mon ami Louis allait toujours, au moment de
la marée remontante, « fouiner » dans certains creux des
« grains » … Les rochers qui se trouvent quasiment devant la passe de
Foulerot … Dans le prolongement des « écluses » des Blanchardières.
La nuit, les congres, on les voit passer au fond de
l’eau. Il y en a partout. Ils sont, la plupart du temps, un peu plus gros que
des anguilles. Il arrive pourtant qu’on en voie passer certains qui sont gros
comme ma jambe. J’en ai vu quelques-uns qui étaient gros comme ma cuisse !
Ils s’approchent toujours du demi-cercle de lumière que projette dans la mer ta
lampe à carbure d’acétylène … Lumière blanche, lumière crue : Elle attire
les poissons comme une lampe attire les papillons !
… Un bon coup d’ « espio’t » sur la
tête et le tour est joué : Attention cependant : Un congre, ça
mord ! – Et ça mord bien ! … Bon, tu es prévenu !
Mais en plein jour, c’est dans les trous des rochers
qu’ils se cachent, les congres les plus gros. Alors, Louis dégage la ficelle
qui tient son langon dans son dos et prend en main son outil. Le manche doit
bien mesurer quatre mètres. J’ignore de quel bois il est fait, mais ce que je
sais, c’est que c’est un bois souple. Louis engage les deux pointes d’acier
dans le trou du rocher … Oh ! Il les connaît
bien, les trous à congre : Il les a assez souvent explorés !
-
« Es-tu là
aujourd’hui ? »
-
Et je te fouine à
droite, et je te fouine à gauche, à petits coups …
-
-« Ah ! Tu
n’es pas là ? … Où t’es-tu fourré ? … Si je te
trouve ! »
Et le bras se tend et se détend, à petits coups pour
ne pas émousser les pointes …
À droite, à gauche … En haut, en bas … Il y a souvent
un homard à l’entrée du trou occupé par le congre : On dit que ce dernier
attend que le homard ait changé de carapace pour pouvoir le déguster : Au
moment où il mue, le homard est tout mou …
Mais aujourd’hui, pas de homard … Et pas plus de
congre !
Un coup à droite, un coup en haut … Allons, plus profond
dans le trou ! … Ah ! … Il remue ! Il est là ! … Et ça
remue très fort : Il doit être gros !
Et je te farfouille … Je te tripatouille … Je
l’empapaouterai, Je l’empatrouillerai, je te le jure ! … Je l’ai piqué, je
vous l’assure … Il s’est décroché
… Oh ! Je te connais bien : Tu as reculé au fond du trou, tout
au fond … Mais tu as été piqué … Tu es touché … Tu y viendras … Tu y
viendras !
Là … Un bon coup ! Mon langon tressaute et
tressaille … Tu y viendras, dans ma « gourbeille » !
Un coup sec, un bon coup … Là, il est piqué …
Solidement piqué. Le sortir de là, maintenant, sans trop le déchirer avec les
ardillons …
Tu viendras … Tu viendras … Là, mon gros … Là !
Dépêchons … La mer monte … Un bon coup d’espiot’, bien placé … C’est
fini ! Hélène va être contente : Elle adore ça : Un beau tronçon
de congre rôti ! Et celui-là, il est de belle taille : Gros comme une
cuisse de jeune homme … Presque comme la mienne ! Rien à faire :
Il ne tiendra pas dans ma corbeille … Il faudra que je me débrouille autrement
… Je vais le piquer à la tête et puis je me servirai de mon langon pour le
transporter par-dessus mon épaule … Allez, rentrons !
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