Pierre Loti - Plaque de bronze, à Boyardville, apposée là où débarqua le cercueil de l'écrivain.
En 1995 la maison d'édition "LE CROÎT VIF", spécialiste de l'édition charentaise produisait sur souscription un petit livre broché qui est un petit trésor :
Il présentait deux textes qui sont chers aux Oléronnais et aux amis d'Oléron :
LA MAISON DES AÏEULES
suivi de
MADEMOISELLE ANNA
TRÈS HUMBLE POUPÉE
Ces deux textes sont signés de Pierre Loti et illustrés admirablement par André Hellé. Il s'agit d'une réédition de luxe d'un livre édité à l'origine par H. Floury, éditeur à Paris en 1927 ...
En 1995, je me trouvais à Tahiti ... Où, natif de Rochefort, je rencontrais Pierre Loti, mon "doublement compatriote" ... Doublement puisque, comme lui, j'avais mes origines en Oléron !
Je retrouve ce petit livre aujourd'hui, dans les rayons de ma bibliothèque ... Je relis ce texte et, après avoir écrit moi-même sur les changements survenus en Oléron et sur le devenir de cette île si chère à mon coeur ... Je médite :
- " À côté de mon fils, sur les marches du seuil, je m’assieds pour songer, dans ce silence, au milieu de ces herbes. Jamais avec autant d’effroi je n’avais entrevu l’abîme, le définitif abîme ouvert entre ceux qui vivaient ici et l’homme que je suis devenu. Eux étaient les sages et les calmes, et ma destinée, au contraire, fut de courir à tous les mirages, de sacrifier à tous les dieux, de traverser tous les pandémoniums et de connaître toutes les fournaises ….
En
ce moment, des phrases me reviennent à la mémoire, prononcées par mon cher
Alphonse Daudet, un jour où nous causions de mes origines et de mes ascendants
de Saint-Pierre-d’Oléron : « Toi, vois-tu, - me disait-il, en riant
avec compassion et mélancolie, - tu as surgi là comme un diable qui sort d’une
boîte. Plusieurs générations, qui étouffaient de tranquillité régulière, ont
tout à coup respiré éperdument par ta poitrine … Tu paies tout ça, Loti, et ce
n’est pas ta faute … »
Est-ce
que je sais, moi, si je suis responsable, ou si c’est mon temps qu’il faut
accuser, ou si, simplement, je paie ou j’expie ? Mais ce que je vois bien,
c’est que la mousse et les fleurettes sauvages ont pris possession de ces
marches sur lesquelles nous sommes, et que nous n’aurions pas dû troubler par
notre présence étrangère. Et, ce je sens bien, c’est que l’ombre triste de ces
vieux arbres descend comme un reproche sur ma tête. – Non, ils ne me
reconnaîtraient point pour un des leurs, les ancêtres de l’île, et leur maison
ne saurait plus être la mienne. Ils avaient la paix et la foi, la résignation
et l’éternel espoir. L’antique poésie de la Bible hantait leurs esprits
reposés ; devant la persécution, leur courage s’exaltait aux images
violentes et magnifiques du livre des Prophètes , et le rêve infiniment doux qui nous est venu de
Judée illuminait pour eux les approches de la mort. Avec quelle incompréhension
et quel étonnement douloureux ils regarderaient aujourd’hui dans mon âme, issue
de la leur ! … Hélas, leur temps est fini, et le lien entre eux et moi est
brisé à jamais … Alors, revenir ici, pour
quoi
faire ?
D’ailleurs,
une seconde fois, je ne retrouverais sans doute même pas les impressions
profondes de cette journée ; il n’y aurait plus , pour mes suivants
retours, ces nuages et cette saison, ce renouveau d’avril entre ces murs
abandonnés, ce jardin refleuri sous ce ciel noir, rien de ce qui agit à cette
heure sur le misérable jouet que je suis de mes nerfs et de mes yeux.
Le
mieux serait donc, il me semble, de laisser sommeiller toutes ces choses, de
refermer respectueusement cette porte, comme on scellerait une
entrée de sépulcre, - et de ne plus l’ouvrir jamais …
entrée de sépulcre, - et de ne plus l’ouvrir jamais …
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Un sépulcre ! ... Cette porte, en fait, est remplacée de nos jours par une porte battante : Elle ne s'ouvre que pour les vacances des gens des villes ! Elle est même devenue un portail ... Une porte cochère, pour laisser passer des foules d'"Oléronnais intermittents" !
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