LA
PÊCHE AU CARRELET
La pêche au carrelet ? … C’est pour les poètes ! … Tout un
après-midi … Toute une journée, enfoui jusqu’à mi-corps dans les fenouils, les
aches, les tamarins et les prunelliers … Toute une éternité sans autre bruissement
que l’eau qui s’écoule par les fissures d’une écluse, sans autre cri que celui
des échasses à pattes rouges ou la flûte à deux tons des courlis cendrés, sans autre musique que les voix de
gorge des bernaches … En fin de saison d’été, vous cueillez sur les bords du
canal une poignée de prunes sauvages, ou bien vous mangez des mûres, bien
noires dans les ronces vertes …
Le temps se fige … Le vent vous apporte peut-être le
son des cloches du village … Mais que veulent-elles dire ? parlent-elles
le langage officiel du « temps » légal » ou celui de la course
du soleil ? parlent-elles le langage de l’heure d’été ou déjà celui de
l’heure d’hiver ?
Le temps n’est plus … Le temps s’est endormi … Dans le
« ruisson », nulle ride ne trahit quelque courant. De larges taches
jaunes, brunes ou rouges flottent et s’étirent. Une anguille, de temps à autre « sape de la
goule », quelque part dans un coin vaseux. Flammèches rouge et or des
chardonnerets qui sautillent d’une branche à l’autre, en un vol court et
saccadé. Les marais, pour la plupart, ont été vidés lors de la dernière grande
marée. Ils luisent comme autant de miroirs dorés par la lumière rasante qui est
caractéristique d’Oléron et de ses terres toutes plates. Odeurs fades, par
bouffées … Odeurs d’absinthe, aussi.
Le temps … Le temps … Seule l’ombre de la crémaillère
de l’écluse, qui se couche dans l’eau, tourne lentement et s’allonge … Le
temps !
Là-bas, tout là-bas, le taureau de mon oncle Marcel
mugit : Les sons portent loin. J’entends aussi, un peu après, le cri de la
fermière, Madame Murail, qui doit rentrer ses vaches. Je sais : Elle ouvre
la barrière, houspille son chien, qui aboie, les vaches se dirigent vers leur
étable … Elle referme la barrière.
-
« Eh là ! Va
donc chercher la Rousse qui s’écarte. » … j’ai deviné plutôt que compris …
Le temps a passé sans qu’on s’en aperçoive : La
voiture du marchand de légumes corne : Elle s’arrête à la ferme de
l’Illeau, c’est son dernier arrêt avant le retour à Chéray …
Et la pêche, direz-vous ? – Ma foi, la pêche …
« Il y en a assez pour manger. » … C’est tout ce qu’un pêcheur
consent à dire à ceux qui l’interrogent, n’est-ce pas ?
On a promené son carrelet, un peu, pas beaucoup. On a
essayé deux ou trois endroits que l’on connaît bien : Dans le
« débours » de l’écluse, puis, un peu plus loin, là où la berne du « ruisson »
s’élargit suffisamment pour qu’on s’y asseye confortablement, qu’on s’y allonge
même à l’occasion. On a trempé son filet de l’autre côté, abandonnant le
« ruisson » pour essayer dans le canal du Douhet …
Tiens … Un léger froissement dans les herbes … Sans
doute un lapin de garenne …
« Des anguilles ? … Oui, il y en a assez
pour manger » ... Alors on tire une dernière fois sur la corde, on relève
la perche, on démonte les « alarmes » de sureau, on attache la
« marotte » pour qu’elle ne ballote pas en marchant … On plie le
filet carré … On rentre à la maison.
Grincement de la chaîne du puits, du côté de chez
Louis Conil, claquement du seau sur la margelle …
Peut-être avait-on pris le temps, au cours de
l’après-midi, de relever les deux ou trois fagots de sarments de vignes que
l’on avait laissés là avant-hier, dans le fond du « ruisson » … Les
anguilles adorent s’y cacher … Il n’y a plus qu’à jeter le fagot sur la terre …
Allons
… Bonne journée ! Excellente journée ! La cloche sonne à nouveau au clocher de l’église de
Saint-Georges et la brise toute douce qui s’est levée étire une gloire de
voiles colorés du côté de Chaucre et Domino. On entend le ressac : La mer
roule sur la plage de Plaisance …
- « Il y aura des mulets, cette nuit, à
l’ouillage » …
CLIQUEZ VITE SUR LE PROCHAIN MOT ÉCRIT EN ROUGE, PUIS SUR L'ADRESSE SURGISSANTE : VOUS POURREZ LIRE D'AUTRES TEXTES ET VOIR D'AUTRES PHOTOS CONCERNANT OLÉRON.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire