mercredi 14 août 2013

LES COLONIES DE VACANCES







                                                             







LES COLONIES DE VACANCES


En 1950 … J’avais dix-huit ans. Je passais mon baccalauréat dans le Limousin, tout en étant surveillant au pair dans un collège, pour payer ma scolarité. Depuis quelques années déjà, je faisais les vendanges chez Alphonse Monteau, aux Boulassiers, me faisant ainsi un peu d’argent de poche : C’est ainsi que je me suis offert ma première montre . Les vendanges, c’était un dur travail, mais ce n’était pas un travail désagréable et puis … L’ambiance !

Mais, à dix-huit ans … Il m’était venu des envies de bouger. J’en trouvai le moyen en suivant à Poitiers une formation de moniteur de colonies de vacances.

Les stages de formation étaient organisés par les Centres d’Éducation et de Formation aux Méthodes d’Éducation Active, organisation née dans l’immédiate après-guerre, dans l’enthousiasme  pour le plein air et pour l’éducation populaire. Ces stages étaient organisés au Centre régional d’Éducation Physique et Sportive. de Boivre, près de Poitiers. Les formateurs étaient, pour la plupart des enseignants détachés de leur administration d’origine.

Il fallait payer, pour suivre ces stages, qui duraient quinze jours, pendant les vacances de Pâques. Je crois bien que mon premier stage fut payé par ma rémunération lors des vendanges précédentes.

                                                     


On nous apprenait, à Boivre, à construire des cerfs-volants, à faire de la poterie, à développer des photos … On nous enseignait un peu de législation et quelques règles de conduite, on nous apprenait à chanter et à danser … Diplôme en poche, nous étions censés être fin prêts pour diriger une équipe d’une quinzaine d’enfants l’été, pendant une durée d’un mois. J’ai participé à l’encadrement des colonies de vacances pendant dix ans et cela m’a permis d’aller dans les Alpes, dans le Massif Central, en Provence, dans le Jura .. et même en Corse !

… Mais aussi dans … L’île d’Oléron ! … Là, je connaissais, j’étais chez moi ! Dans les années cinquante, il y avait des colonies de vacances partout, dans l’île d’Oléron. Parfois, dans le même village, il y en avait deux ou trois, réunissant chacune plusieurs centaines d’enfants … La plupart d’entre elles étaient organisées par les comités des grosses entreprises, et particulièrement des entreprises nationalisées. Les autres l’étaient par des municipalités, des départements, appartenant le plus souvent à la grande couronne parisienne. Celles-là affichaient clairement leurs options politiques leurs activités étaient calquées sur celles des « pionniers » de l’U.R.S.S. – On  entendait  souvent chanter « L’internationa-a-le » … Ces enfants étaient « l’Espoir du Genre Humain » !

                                             


J’avais déjà participé à l’encadrement de colonies dépendant de l’E.D.F., par son C.C.O.S , autrement dit par son comité des œuvres sociales. Là, on était très orienté politiquement aussi, mais c’était moins voyant. J’avais aussi travaillé pour le comité de Klébert Colombes, pour celui d’Air France, pour quelques autres encore, dont je ne me souviens plus.


Lorsque je fus appelé à participer à l’encadrement d’une colonie de vacances en Oléron, ce fut pour le compte de « l’Enfance Coopérative » et l’établissement se situait à Boyardville, sur la pointe de sable qui se trouve à l’embouchure du « Grand Canal ». C’est une grande maison rose, qu’on appelle la « Maison Heureuse ». Elle s’élève à l’emplacement où la Marine Nationale avait géré pendant longtemps son « École des Torpilles » (avant de l’expédier à Saint-Mandrier).


Je n’avais pas la moindre idée de ce que c’était, « L’Enfance Coopérative » …  J’apprendrai plus tard que cela avait quelque chose à voir avec la « Coopérative d’Aunis et Saintonge » qui tenait commerces d’épiceries dans à peu près chaque village charentais. La colonie de la « Maison Heureuse » était organisée par le comité d’entreprise de la coopérative.

Plusieurs centaines d’enfants fréquentaient cette maison. Moi, je restais hors du bâtiment, puisque j’étais moniteur d’une équipe d’adolescents. Nous couchions sous la tente. Le reste du temps, nous allions à la plage toute proche : Nos garçons avaient tout le loisir de courir sur le sable, de se baigner et de canoter .. 

De canoter … Oui, parce que le directeur du camp, qui était l’un de mes amis, instituteur à La Noue, dans l’île de Ré, « Loulou » Gaucher, nous enseignait à fabriquer des kayaks … Rien de moins ! … J’en ai construit des kayaks, plus tard, lorsque j’étais en poste à Saint Jean d’Angély, mais nous n’avions ni les mêmes matériaux, ni les mêmes moyens techniques : À Saint Jean, nous avions de la fibre de verre et de la résine … À Boyardville, nous n’avions que du bois et de la toile de bâche !  N’importe, nos kayaks étaient réussis et ils flottaient ! Les « ados » étaient ravis.

« Loulou » était un homme extraordinaire et sa jeune femme, Claudette, était charmante. Ils avaient tous deux des qualités relationnelles remarquables et des dons manuels et artistiques tout aussi remarquables.
Son épouse tordait bien un peu le nez lorsqu’une monitrice un peu trop expansive approchait en chantonnant « Tu le sais bien, Loulou … », chanson qui était à la mode à l’époque … Mais si elle le tordait un peu, cela n’empêchait pas tous les garçons d’en être plus ou moins amoureux … Moniteurs comme colons !

                                                 



- « Cette tempête … T’en souviens-tu ? Comme le vent soufflait ! Comme la pluie tombait ! Des éclairs illuminaient par à-coups de lourds nuages noirs qui filaient vers l’arrière-pays royannais … Tu t’en souviens ? … Les grands peupliers qui formaient toute une allée, à proximité de nos longues tentes … Tentes « hôpital », modèle militaire … Et tout d’un coup, un peuplier qui tombe … D’un seul coup … avec un craquement sinistre … Il tombe, le peuplier … Un arbre qui mesurait au moins vingt mètres de haut, sinon plus … Il tombe … de toute sa longueur il se couche sur une tente … de toute sa longueur, sur les têtes de toute une rangée de lits … Sur tout un côté de la tente. Quelle peur nous avons eue, rétrospectivement ! … Un ange gardien devait veiller : La sieste venait juste de finir … Il n’y avait plus personne sous la tente  … Tout le monde était rassemblé au réfectoire pour le goûter.

« Loulou » savait aussi construire des cerfs-volants … Pas des cerfs-volants triangulaires avec une queue d’un mètre cinquante où tournoient des papillotes … Non, il nous apprenait à construire d’énormes cerfs-volants « cellulaires » … Baguettes de balsa, colle à bois, fil de ligature, papier huilé .. . On commençait par construire une carcasse : Un prisme de deux mètres de long et cinquante centimètres de large, des ailerons … Le tout tendu de papier huilé .. . Et ça volait ! …Et même, cela montait très haut  … Nous en avons fait monter à plusieurs centaines de mètres de haut … Ensuite, « Loulou » nous apprit à construire des « navigateurs » : Petits engins triangulaires munis d’une voile et fixés par du fil de fer à la ficelle du cerf-volant : ça montait, ça montait vite, ça montait jusqu’en haut et, lorsque ça butait sur le cerf-volant, un déclic se produisait et le « navigateur » larguait un parachute qu’on avait fixé là … Il retombait lentement, en oscillant, et déposait à terre  un soldat de plomb … Quelles merveilles !  Mais nous perfectionnâmes les choses : À la place du parachute, nous fixâmes un appareil photographique et nous réussîmes ainsi à prendre des photographies aériennes. Nos cerfs-volants étaient l’attraction des « baignassout’ » sur la plage de Boyarville et au-delà.

                                               



Certains jours, j’emmenais mon équipe faire connaissance avec la forêt. La forêt de Boyardville commence aux portes de la Maison Heureuse. Après un bosquet de chênes verts, dépassé rapidement, nous sommes dans la forêt de pins. J’apprends à mes colons à sentir, à regarder, à respecter … On ne ramasse plus la résine des pins, mais les gemmeurs n’ont pas disparu depuis longtemps : Il y a encore de petits pots de terre cuite, fixés aux troncs des pins, tout en bas des saignées que l’on a pratiquées, qui forment une blessure d’au moins un mètre de long : La résine est encore là, figée, durcie, rendue opaque par le temps et par le contact avec l’air. Elle colle aux doigts et sent la térébenthine à plein nez … Qu’est-ce que ça sent bon ! … Évidemment, il faut apprendre à ne pas s’y coller les doigts, à ne pas s’en mettre plein les vêtements, à ne pas en barbouiller les camarades … Cela aussi, ça s’appelle de l’éducation ! On trouve des champignons : Ne touchons pas aux champignons que nous ne connaissons pas ! Il y a des mûres dans les ronces : On peut les manger quand elles sont bien rouges, presque noires … Il y a des aiguilles de pins partout, en couches épaisses, sèches : Craignons le feu et respectons la forêt … On observera les coupe feu pratiqués par les agents des Eaux et Forêts … On observera les coupes de bois. On verra comment on éclaircit les arbres, comment on les taille, comment on les sélectionne pour ne laisser monter que les individus les plus beaux … D’ailleurs, nous avons pris rendez-vous avec le garde forestier, à La Nouette, où se trouve la maison forestière. Le garde forestier nous recevra pour nous expliquer les réglementations relatives aux forêts,. Il nous détaillera les différents travaux, tout au long du cours de l’année, nous montrera les plates-formes sur lesquelles il fait sécher les cônes : Ils s’ouvrent en craquant, laissent échapper les graines… Qui ont des ailes ! Il nous raconte … Comment on fait les semis, comment sont faites les adjudications des coupes …

                                                    



-       « Te souviens-tu de ce jour ? – Nous étions allés à bicyclette jusqu’à la plage de Gatseau, du côté de Saint Trojan … Une camionnette nous avait apporté le repas : La salade de lentilles s’était échauffée … Ah ! … L’épidémie de diarrhées ! … Tous y étaient passés, moniteurs comme colons 
-        
  C’est ça, l’apprentissage de la vie en commun, non ? – Remarque, c’est aussi l’apprentissage de la nécessité et de l’initiative personnelle : Je n’ai jamais revu une situation pareille : Tout le monde courait, courait … Dans tous les sens !

Tu vois comme on se fait des souvenirs !

Les « colos », c’était tout de même pas mal ! …Et les enfants des villes faisaient, en un mois, leur plein d’activités de plein air, de nature, de mer et de joie …

On chante des rengaines idiotes …

« Un kilomètre à pied, ça use, ça use
     Un kilomètre à pied, ça use les souliers … »

Le soir, à la veillée, devant le fort qui jouxte la « Maison Heureuse », enveloppé dans une couverture, on chante encore :

«  Monte flamme légère
              Feu de camp si chaud si bon … »

Et, à tout bout de champ, on s’égosille :

          «  À la claire fontaine
     M’en allant promener
     J’ai trouvé l’eau si belle
     Que je m’y suis baigné … »




Ou bien, traditionnellement :


« Ne pleure pas Jeannet …  et…te,
     Nous te marillerons
                     Nous te marillerons …

                                             



Ah ! Les jeux de ballon … Les cris dans les rouleaux qui déferlent …

C’était dans les années cinquante ou soixante … Plus d’un ancien « colon », devenu adulte et ayant un métier, une femme et des enfants reviendra en Oléron … Chaque année, pendant les congés d’été .. C’est ainsi que s’est constitué le peuple des vacanciers d’Oléron …

De nos jours, la plupart des colonies de vacances sont fermées  (et leurs bâtiments, les terrains qu’ils occupent sont guignés par les promoteurs immobiliers.) Les familles qui viennent en Oléron louent des mobile-homes … Il n’y a plus de moniteurs de « colo », mais il y a, dans les terrains des « hôtels de plein air », des piscines avec des tremplins, des courants et des remous, des « animateurs » et des Maîtres-Nageurs-Sauveteurs ». On ne va plus à la plage à pied, en file indienne, et en chantant !

-       «En vacances, on peut bien emmener les enfants avec nous, puisqu’il y a, dans l’enceinte du camp, quelqu’un pour s’en occuper ! »

Cela fait des heureux …Cela ne fait que des heureux : Les parents, les enfants, les animateurs et … Les propriétaires de terrains de camping … Les loueurs de mobile-homes !




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