jeudi 15 août 2013

L'OEILLET DES DUNES







                                       






L’ŒILLET DES DUNES


Boucles folles, boucles d’or. Deux grands yeux d’azur, quelques taches de son. On l’appelait Claire, mais pour son Jeannot, elle avait toujours été Clairette. Ensemble ils avaient couru les landes et les prés, les chenaux et les marais. Ensemble ils avaient cherché au creux des tamarins le merle et la tourterelle. Ensemble ils avaient pêché l’anguille qui se glisse sous les algues vertes, le petit mulet qui frétille, l’été, dans tous les fossés.

Du Douhet à la Saurine, en passant par Plaisance, pas un chemin dont ils ne connussent chaque détour, pas une ronce qui n’eût égratigné leurs mollets, pas un chenal dans lequel ils n’eussent pataugé.

                                                      



Toujours courant, ils avaient cherché le levraut en son gîte, au creux du sillon, la perdrix promenant ses petits dans les blés des Cordières, la pie qui niche dans les bois de la Motte à Canet’. Blottis au fond d’un vieux guet, ils avaient passé des heures à regarder planer les goélands à écouter piailler les vanneaux huppés. Parfois même, ils avaient vu le héron, perché sur une patte et songeant infiniment. Il leur était arrivé, à la tombée du soir, d’entendre le froissement soyeux des ailes de la sarcelle et, quand ils revenaient, les bécassines s’envolaient sous leurs pieds, en crochetant et en poussant une longue plainte. Les soirs d’hiver, ils avaient vu passer le cormoran, le cou tendu, bravant le vent.

Ils savaient où l’on trouve la palourde et le couteau. Ils avaient blessé leurs pieds sur tous les rochers, en quête des crabes verts et rouges. Ils avaient joué devant les Boulassiers, à qui découvrirait le plus d’étoiles ou de bigorneaux  … à qui trouverait le pourpre pour, de la pointe du pied, lui faire répandre la couleur qu’il semble avoir volé au soleil couchant, un soir d’été.

                                                      



Cachés dans la dune, ils s’étaient dorés, creusant dans le sable des puits où venaient tomber les puces de mer. Ils savaient où trouver le pied bleu et la doridelle, le petit mousseron et la brunette dont le chapeau ressemble à une boule de neige.

Maintenant, ils rêvaient, du côté de la Côte Sauvage, là où hurle le vent, là où, de temps en temps on voit passer le fou de Bassan, majestueux et fier. C’était aux Huttes Seulières ou bien à Chaucre, aux Cabanes ou à Domino ?  - Qui pourrait le dire ?

Ils rêvaient, debout sur le rocher, le visage baigné d’embruns, main dans la main, tandis que baissait la marée. Au loin cahotait un tombereau allant à la cueillette du varech. Mais le grincement de ses roues était couvert  par les cris du vent, par le souffle rauque de la mer ….

                                                  


Ils rêvaient et, à l’horizon, un « cotinard » tout blanc plongeait et se cabrait, roulait et tanguait, s’acheminant vers ses lieux de pêche.

Alors, Jeannot tendit le doigt : « Vois-tu, là-bas, c’est mon cousin … Demain, je pars avec lui, demain, pour mes quinze ans, je pars à son bord pêcher la crevette rose, la sole au ventre blanc, le rouget et la raie …

-       « Tu partirais sur un si petit bateau ? Vois comme il roule, vois comme il tangue, vois comme la mer semble le soulever pour mieux l’engloutir ! …. Si jamais … Si jamais ! … Sûr, je perdrais mes yeux à pleurer. Sûr, je perdrais mes yeux à chercher ! »

Jeannot partit. Jamais il n’est revenu …

De Maumusson à Chassiron, Claire, Clairette chercha, appela … Elle appelle encore … N’avez-vous entendu, les nuits d’hiver, ses cris déchirants répétés par le vent ! De Chassiron à Maumusson, Claire, Clairette pleura, pleura … Tant elle a pleuré que plus jamais elle ne pleurera.

                                                    


N’avez-vous jamais trouvé, parmi la mousse, dans les dunes, une petite fleur bleue, soigneusement cachée ?  … Aussi bleue que les yeux de Claire, que les yeux de Clairette qui a tant pleuré … On dit que chacune de ces fleurs est une larme qui a coulé … C’est pour cela qu’elle est si bleue. Et si elle sent si bon, c’est que Clairette a tant aimé ! 




                             

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