L’ŒILLET
DES DUNES
Boucles folles, boucles d’or. Deux grands yeux
d’azur, quelques taches de son. On l’appelait Claire, mais pour son Jeannot,
elle avait toujours été Clairette. Ensemble ils avaient couru les landes et les
prés, les chenaux et les marais. Ensemble ils avaient cherché au creux des
tamarins le merle et la tourterelle. Ensemble ils avaient pêché l’anguille qui
se glisse sous les algues vertes, le petit mulet qui frétille, l’été, dans tous
les fossés.
Du Douhet à la Saurine, en passant par
Plaisance, pas un chemin dont ils ne connussent chaque détour, pas une ronce
qui n’eût égratigné leurs mollets, pas un chenal dans lequel ils n’eussent
pataugé.
Toujours courant, ils avaient cherché le
levraut en son gîte, au creux du sillon, la perdrix promenant ses petits dans
les blés des Cordières, la pie qui niche dans les bois de la Motte à Canet’.
Blottis au fond d’un vieux guet, ils avaient passé des heures à regarder planer
les goélands à écouter piailler les vanneaux huppés. Parfois même, ils avaient
vu le héron, perché sur une patte et songeant infiniment. Il leur était arrivé,
à la tombée du soir, d’entendre le froissement soyeux des ailes de la sarcelle
et, quand ils revenaient, les bécassines s’envolaient sous leurs pieds, en
crochetant et en poussant une longue plainte. Les soirs d’hiver, ils avaient vu
passer le cormoran, le cou tendu, bravant le vent.
Ils savaient où l’on trouve la palourde et le
couteau. Ils avaient blessé leurs pieds sur tous les rochers, en quête des
crabes verts et rouges. Ils avaient joué devant les Boulassiers, à qui
découvrirait le plus d’étoiles ou de bigorneaux … à qui trouverait le pourpre pour, de la pointe du pied, lui
faire répandre la couleur qu’il semble avoir volé au soleil couchant, un soir
d’été.
Cachés dans la dune, ils s’étaient dorés,
creusant dans le sable des puits où venaient tomber les puces de mer. Ils
savaient où trouver le pied bleu et la doridelle, le petit mousseron et la
brunette dont le chapeau ressemble à une boule de neige.
Maintenant, ils rêvaient, du côté de la Côte
Sauvage, là où hurle le vent, là où, de temps en temps on voit passer le fou de
Bassan, majestueux et fier. C’était aux Huttes Seulières ou bien à Chaucre, aux
Cabanes ou à Domino ? - Qui
pourrait le dire ?
Ils rêvaient, debout sur le rocher, le visage
baigné d’embruns, main dans la main, tandis que baissait la marée. Au loin
cahotait un tombereau allant à la cueillette du varech. Mais le grincement de
ses roues était couvert par les
cris du vent, par le souffle rauque de la mer ….
Ils rêvaient et, à l’horizon, un
« cotinard » tout blanc plongeait et se cabrait, roulait et tanguait,
s’acheminant vers ses lieux de pêche.
Alors, Jeannot tendit le doigt :
« Vois-tu, là-bas, c’est mon cousin … Demain, je pars avec lui, demain,
pour mes quinze ans, je pars à son bord pêcher la crevette rose, la sole au
ventre blanc, le rouget et la raie …
-
« Tu partirais sur
un si petit bateau ? Vois comme il roule, vois comme il tangue, vois comme
la mer semble le soulever pour mieux l’engloutir ! …. Si jamais … Si
jamais ! … Sûr, je perdrais mes yeux à pleurer. Sûr, je perdrais mes yeux
à chercher ! »
Jeannot partit. Jamais il n’est revenu …
De Maumusson à
Chassiron, Claire, Clairette chercha, appela … Elle appelle encore …
N’avez-vous entendu, les nuits d’hiver, ses cris déchirants répétés par le
vent ! De Chassiron à Maumusson, Claire, Clairette pleura, pleura … Tant
elle a pleuré que plus jamais elle ne pleurera.
N’avez-vous
jamais trouvé, parmi la mousse, dans les dunes, une petite fleur bleue,
soigneusement cachée ? …
Aussi bleue que les yeux de Claire, que les yeux de Clairette qui a tant pleuré
… On dit que chacune de ces fleurs est une larme qui a coulé … C’est pour cela
qu’elle est si bleue. Et si elle sent si bon, c’est que Clairette a tant
aimé !
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