dimanche 4 août 2013

LES TOURTERELLES




                                                           




LES TOURTERELLES


On les appelle des « tourtes », en Oléron. Il y en a toujours eu beaucoup et les chasseurs ne leur ont jamais fait trop de mal … Oh ! La flûte monotone, la plainte, la lamentation de la tourterelle, douce, douce !

J’avais souvenir d’une histoire que racontait mon père : C’était aux alentours de mille neuf cent quarante deux et c’était au Maroc … Très précisément dans le Sud d’Agadir … Mon père était officier de marine, dans l’aéronavale. Il était lieutenant de vaisseau à l’époque et se trouvait être le commandant en second d’une base qui construisait la première piste d’atterrissage du Sud marocain. Le commandant, qui s’appelait Lucas, devait, lui, avoir cinq galons panachés.

Il y avait un petit kilomètre entre la base et la maison que nous habitions ... Voilà qu’un jour, revenant à pied, les deux officiers aperçoivent un nid de tourterelles dans un bigaradier  … Et voici mon père qui laisse sa casquette entre les mains du commandant Lucas … Le temps de grimper dans l’arbre pour dénicher les jeunes oiseaux ! Il les passe à son commandant … Qui les met dans la casquette … Le tout devant la guérite du factionnaire, que l’on devine impassible face aux acrobaties des deux officiers en uniforme !

Quand nous passions nos vacances au Douhet, il y avait beaucoup de tourterelles, mais ce n’étaient pas les mêmes que celles que l’on peut voir maintenant. Elles étaient plus foncées, leur plumage semblait tuilé, un peu roux. C’étaient des tourterelles des bois, paraît-il et elles migraient, comme les palombes. Elles restaient chez nous tout l’été, faisant souvent deux couvées avant de repartir je ne savais où … Je crois qu’elles franchissaient les Pyrénées, comme les palombes, et qu’elles allaient passer l’hiver … en Afrique du Nord … Jusqu’au Maroc !

Encore un changement pour les populations d’oiseaux : Maintenant, il y a des tourterelles partout, mais elles ont le plumage beaucoup plus clair, un collier autour du cou … Ce sont, me dit-on, des tourterelles Turques … Sacrés Turcs ! … Ils nous ont envoyé leurs oiseaux et les nôtres ne viennent plus ! … Si, on voit encore des tourterelles des bois … un peu …mais un peu seulement. Quant aux tourterelles turques, elles ont même envahi les villes !
                                                     



Quand nous étions des adolescents encore, nous faisions de fréquentes expéditions vers les bois de la Malentreprise pour y ramasser du bois mort avec lequel notre mère alimentait le fourneau de sa cuisine. Nous utilisions pour transporter ce bois une petite remorque basse à trois roues que nous avions trouvée … Sur le tas d’ordures ! Nous rapportions, passant par Plaisance, du bois et des pommes de pin.

Nous en profitions de temps en temps pour dénicher des tourterelles … Oh ! Cela ne nous est pas arrivé très souvent … qu’aurions-nous fait de ces oiseaux ? Mais enfin, tout de même, il ne se passait guère de saison d’été sans que nous ayons à la maison une paire d’oiseaux auxquels nous donnions la becquée.

Un nid de tourterelles, c’est vraiment une construction élémentaire : Une douzaine de brindilles entrecroisées à l’enfourchure de deux branchettes et … C’est tout ! La femelle pond au centre de cette installation … La  plupart du temps, deux œufs, tout blancs, chacun gros comme une prune. Elle s’installe sur le nid et couve. Le mâle la remplace lorsqu’elle va quérir sa provende. En dehors de ces moments-là, il roucoule : Deux tons, l’un roulé, plaintif, l’autre plus bref et plus aigu.

Un beau jour, grimpant dans un pin pour en faire choir les cônes mûrs, vous apercevez à terre, au milieu des aiguilles sèches, une coquille brisée en deux : Les œufs ont éclos ! Il faut laisser le nid tranquille : Ne pas y toucher car les parents risqueraient d’abandonner leur progéniture … Vous revenez de temps à autre, mais sans trop approcher du nid. Les petits grossissent, puis ils s’emplument. Et puis un beau jour, vous les prenez l’un après l’autre, délicatement : Ils sont tout chauds au creux de vos paumes … Ils se tiennent coi, la plupart du temps. Ils agitent assez drôlement, parfois, leurs moignons d’ailes sur lesquels poussent les tuyaux des rémiges.


                                                           


Vous êtes un voleur et vous avez un peu honte … Les parents n’ont pas réagi. Où sont-ils d’ailleurs ? On ne les voit pas … Vous placez les jeunes oiseaux dans le creux de votre béret et vous enfourchez votre vélo. À la maison, sur le mur de notre chambre, il y a une petite fenêtre oblongue, percée dans l’épaisseur de la maçonnerie : C’est là que nous installons nos oiselets, sur un lit de paille sèche. Un grillage fermera cette « cage » du côté intérieur de la chambre. Il est rare que nous ne parvenions pas à élever nos tourterelles. Nous les nourrissons de blé mâché. Ah ! Le goût du blé que mes dents écrasent  et dont  ma salive fait une pâte ! … Délices !
Ensuite, vous prenez délicatement l’oiseau dans vos mains … Il en prend vite l’habitude : Il met le bec dans votre bouche, entre vos lèvres, et il se gorge jusqu’à plus faim. Même démarche pour le faire boire : Vous prenez de l’eau dans votre bouche et vous introduisez le bec avide entre vos lèvres … Il arrive bien que l’oiseau s’agite : L’eau lui est entrée dans les narines, il se secoue … Il se remue tellement que le voilà tout mouillé … Un coup de chiffon pour le sécher et vous le remettez dans sa cage.

Les tourterelles sont faciles à élever : Il me souvient que l’une d’elles prenait un plaisir évident, parvenue à la taille  adulte, à se percher sur le guidon de mon vélo … Nous allions ainsi de la maison du Douhet à la « Cabane » de la Malentreprise !

D’où vient que les tourterelles turques, sédentaires, ont presque complètement éliminé les tourterelles des bois ? … Mystère dans lequel les hommes sont peut-être pour quelque chose ? …
                                                                     


Dernier souvenir : Ma chatte à poil long … Ma « douce » chatte … Elle avait réussi … Depuis le temps qu’elle essayait de le faire ! … Elle avait réussi à attraper une tourterelle dans mon jardin, au pied du grand pin parasol … J’ai eu juste le temps de bondir pour lui faire lâcher prise ; L’oiseau parvint à s’envoler … Il ne lui restait plus qu’une seule plume à la queue !  … Chatte, vous ne serez pas punie pour cette fois-ci, mais ne recommencez pas  !








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