LES MAISONS D’OLERON
Pourquoi toutes les façades des maisons d’Oléron
sont-elles blanchies à la chaux ?
Il n’en fut point toujours ainsi. En Oléron comme partout
ailleurs régnait autrefois la plus parfaite fantaisie. Chaque demeure était,
pauvrement ou somptueusement décorée d’ocre, de rouge, de bleu ou de gris.
Mais, en une certaine époque encore dans tous les
esprits, dans tout le pays d’Aunis et de Saintonge, on s’égorgea à propos de
bondieuseries. Protestants et catholiques rivalisaient du désir d’envoyer leurs
voisins en Paradis. Ils firent fort assaut de civilités pour hâter un si
heureux événement. Oléron, jusqu’alors, d’aussi courtoises façons, d’autres
diront par intelligence, avait été épargnée.
Mais voici qu’un certain sire … Était-il Romain, était-il Luthérien ? – Nul ne s’en soucie … Après avoir ravagé Marennes et Bourcefranc, entreprit avec bonhomie de faire entrer en paradis les Oleronnais eux aussi.
Pour préparer sa visite, afin d’épargner son temps très
précieux au service d’une si noble cause, notre sire envoya en Oléron ses
émissaires. Ils s’affairèrent toute la nuit de façon que le travail fût fait et
bien fait, n’oubliant aucun de ceux qui étaient promis au Paradis : Chaque
maison du clan adverse fut badigeonnée de blanc, afin qu’au premier rayon du soleil
éclate sa clarté. Ainsi, point de temps perdu : On saurait tout de suite
où aller. L’affaire fut menée rondement et avec habileté. Nul ne s’en aperçut …
Vraiment, ce fut du travail bien fait !
On avait compté sans Denis, braconnier de son état
quelque peu. Il avait coutume de poser ses nasses à anguilles tous les soirs
autour du Château et, avant l’aube, il les relevait. Il était Luthérien, mais
là n’est point la question. En tout cas, c’était un brave homme. Dès qu’il vit,
sous l’astre de la nuit, briller les façades blanchies, il se douta de la
vérité. Il courut d’une seule traite jusqu’au moulin où ses frères se
réunissaient (On le voit encore, ce moulin, près du Château et l’inscription
du linteau de sa porte, qui est conservé au Musée d’Oléron, témoigne encore de
son usage …) À ses
frères, il raconte l’histoire … Il était tout essoufflé … Ne sachant quel parti
prendre, ils mettent tous en prière. Il faut croire que le Bon Dieu les
entendit : L’ouragan se leva brusquement et enveloppa de son souffle toute
l’île d’Oléron, de Chassiron à Maumusson .
0h ! Ce fut vite fait ! Les moulins, fort
nombreux dans l’île, furent vivement vidés de toute leur farine ! On dit que le vent souffla si
furieusement que c’est depuis ce
temps-là que les moulins sont arrêtés, les ailes brisées ou les meules cassées.
Le matin, qui fut bien surpris ? - Ce fut notre sire qui, le premier rayon du soleil dardé, ne trouva pas une seule maison qui ne fût éclatante de blancheur.
Fort marri, vers d’autres lieux il repartit … Et c’est
ainsi qu’en Oléron, pour cette fois-ci, ne se sont point égorgés …
Ce serait en souvenir de cet événement que les Oleronnais
ont coutume, lors de chaque printemps, de badigeonner leur façade à la chaux …
Faut-il y croire ? Faut-il y croire ?
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