LA LÉGENDE DE
NOTRE-DAME-
EN L’ÎLE
Quand j’étais
jeune … C’était au temps où beaucoup de gens allaient à l’église le
dimanche … Vers l’église de Saint-Georges convergeaient les habitants de
Chéray, ceux de Chaucre, de Doomino, de Foulerot, de Sauzelle et de
Boyardville, mais aussi ceux des Boulassiers et ceux de La Brée …
À vrai dire, si mes souvenirs sont bons, et je
crois qu’ils le sont, c’était plus précisément les femmes et les enfants qui
assistaient aux offices … Les hommes … Enfin pas tous, mais beaucoup d’entre
eux allaient à la messe … Au bar de l’océan, où l’on servait du
« blanc » et où l’on pouvait jouer au billard. … La gent masculine
étant souvent assez mécréante … Le
bar de l’océan était juste sur la place de l’église ! La cloche sonnait,
tout le monde s’empressait au long des chemins.
Mon église est vénérable : Sa construction
a commencé au onzième siècle … Vous vous rendez compte ! … En l’an mille,
ou à peu près ! Elle a dû subir au cours des siècles, et tout
particulièrement lors des effroyables guerres de religions, des dommages
considérables : Je pense que c’est pour cela qu’elle n’a plus de clocher.
Néanmoins, c’est une très belle église. Elle est classée monument historique et
elle a été restaurée au cours des années 1960 … Elle est un peu austère, mais
son austérité est propice à la méditation et à l’élan de la foi.
Deux choses, dans cette église, ont toujours
attiré mon attention et fait déborder mon imagination : La statue de la
Vierge, en bois peint, qui se trouve maintenant dans la chapelle de droite et
le retable en bois, de style Renaissance, qui se trouve dans la chapelle de
gauche.
Aucun des deux ne provient de l’église de
Saint-Georges … La statue et le retable proviendraient de la chapelle de
Notre-Dame-en-L’île, chapelle qui était très ancienne et que les
révolutionnaires détruisirent lors de la grande révolution française … On dit
que la statue fut retrouvée dans un « ruisson » où quelqu’un l’avait
jetée et que le retable fut mis à l’abri par une famille oléronnaise. Tous deux
furent ensuite placés dans l’église paroissiale.
Je ne me souviens plus du tout de l’endroit où
la statue de la Vierge était placée dans le chœur, mais je me souviens très
bien que le retable n’était pas à la même place que maintenant : Il se
trouvait placé contre le mur, à gauche de la petite porte donnant sur la
seigneurie … Et c’était beaucoup mieux ainsi car, là où il est à l’heure
actuelle, il cache le vitrail d’un oculus, vitrail qui représente … Les personnages
de la légende de Notre-Dame-en–L’île !
Notre-Dame-en-L’île, c’est le nom du village
que l’on appelle maintenant, tout brièvement et tout bêtement L’Île, que l’on
traverse quand on va de Saint-Georges à La Brée. La révolution a laissé ses
traces en raccourcissant abusivement le nom. Elle avait laissé tout juste
quelques traces de la chapelle : Je les ai vues en passant dans l’impasse
du forgeron, mais je ne les retrouve plus ..
À l’origine de cette chapelle, on trouve une
curieuse légende, qui a enchanté ma jeunesse … La voici racontée :
C’est une histoire que l’on raconte encore, le
soir à la veillée, une histoire de mer comme le vent, de Bretagne en Portugal,
en a tant amené … Une histoire que l’on écoute en entendant la mer rouler, le vent
hurler, la pluie battre et l’orage gronder.
Dites-moi … Ne sentez-vous pas l’écume salée
des embruns de décembre sur votre visage fouetté ?
C’était quelque part, entre Saint Denis et
Foulerot … Quelque part, mais sûrement pas très loin du « Gros Roc »où
tant de bateaux ont naufragé …
Un frêle esquif, un knorr, que l’on appelle de
nos jours un drakkar … Mais était-il si frêle ? – On dirait plutôt qu’il
était léger … Léger et souple à la fois … Un drakkar, voile arrachée battant au
vent comme une aile affolée, filait vers les rochers. Et le vent soufflait,
hurlait comme le soir où l’histoire me fut contée à la veillée.
La nuit était noire. Le ciel et la mer se
confondaient. On courait vers un mur … Les avirons étaient brisés.
Des jours et des jours, on avait vogué. On
avait traversé Le Havre et Paris. On avait remonté la Charente, passant par
Taillebourg, Saintes et jusqu’à Cognac … On avait guerroyé, on avait pillé, on
avait volé. Était-ce dons le châtiment qui attendait en Oléron ?
Le chef était haut de stature. Il était roux et
barbu. Il avait l’épée au côté. Il était viking … Alors, comment l’imaginer
autrement ?
Debout à la proue, la main sur la tête du
dragon qui défiait les eaux, il bravait encore les intempéries, il bravait le
vent, le ciel et la mer. Et, toujours, le drakkar courait … Un éclair, encore
plus brillant que les autres, a soudain montré les rochers …
-
« Dame des Francs, vous qui veilliez sur les monastères que
nous avons incendiés …
-
« Dame des Francs … Si vous nous sauvez, chapelle pour vous
je bâtirai …
-
« Sainte Marie des marins, si vous nous sauvez, en votre
Dieu je croirai … »
Notre-Dame
l’entendit … Les flots, pour le viking, se firent cléments et bientôt le sable
il a foulé.
Alors,
bandant son arc, le chef a crié :
-
« Là où ma flèche tombera, chapelle de Notre-Dame il y
aura ! »
Le
vent aidant, la flèche au loin a volé. Que devint le fier viking ? – Nul
ne le sait, nul ne le dit, mais aujourd’hui encore, au village de
Notre-Dame-en-L’île, près des ruines de la chapelle, un cercueil en pierre vous
sera montré. Est-ce le sien ? Est-ce celui du guerrier repenti qui, pour
toujours, là-bas, serait demeuré ?
Dans
l’église de Saint Georges, sous les vieux murs dix fois centenaires, une statue
de bois vous sera montrée : Cette statue, dit-on ,serait la figure de
proue d’un bateau qui se serait échoué quelque part par là … Notre Dame
serait-elle revenue près du viking qui l’avait prié ? …
Cette
légende est fausse, bien sûr, comme toutes les légendes … La statue de bois est
de facture beaucoup plus récente et n’a jamais été une figure de proue …
N’importe, n’est-ce pas ?
Par
contre, une vraie figure de proue, il y en bel et bien une : Regardez-la
dans sa niche, à droite en entrant dans
l’église … C’est l’effigie de Sainte Barbe, arborant ses attributs :
L’épée et la tour … Autrement dit les instruments de son supplice : La
tour dans laquelle on l’avait enfermée et l’épée avec laquelle elle fut
décapitée. Elle date probablement du XVIII eme siècle.
Ces histoires
méritaient bien qu’on vous les conte, non ?
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