jeudi 1 août 2013

LÉGENDE DE NOTRE DAME EN L'ÎLE













LA LÉGENDE DE NOTRE-DAME-

                    EN L’ÎLE
                              

 
      Quand j’étais jeune … C’était au temps où beaucoup de gens allaient à l’église le dimanche … Vers l’église de Saint-Georges convergeaient les habitants de Chéray, ceux de Chaucre, de Doomino, de Foulerot, de Sauzelle et de Boyardville, mais aussi ceux des Boulassiers et ceux de La Brée …

À vrai dire, si mes souvenirs sont bons, et je crois qu’ils le sont, c’était plus précisément les femmes et les enfants qui assistaient aux offices … Les hommes … Enfin pas tous, mais beaucoup d’entre eux allaient à la messe … Au bar de l’océan, où l’on servait du « blanc » et où l’on pouvait jouer au billard. … La gent masculine étant souvent assez mécréante …  Le bar de l’océan était juste sur la place de l’église ! La cloche sonnait, tout le monde s’empressait au long des chemins.

Mon église est vénérable : Sa construction a commencé au onzième siècle … Vous vous rendez compte ! … En l’an mille, ou à peu près ! Elle a dû subir au cours des siècles, et tout particulièrement lors des effroyables guerres de religions, des dommages considérables : Je pense que c’est pour cela qu’elle n’a plus de clocher. Néanmoins, c’est une très belle église. Elle est classée monument historique et elle a été restaurée au cours des années 1960 … Elle est un peu austère, mais son austérité est propice à la méditation et à l’élan de la foi.

Deux choses, dans cette église, ont toujours attiré mon attention et fait déborder mon imagination : La statue de la Vierge, en bois peint, qui se trouve maintenant dans la chapelle de droite et le retable en bois, de style Renaissance, qui se trouve dans la chapelle de gauche.

Aucun des deux ne provient de l’église de Saint-Georges … La statue et le retable proviendraient de la chapelle de Notre-Dame-en-L’île, chapelle qui était très ancienne et que les révolutionnaires détruisirent lors de la grande révolution française … On dit que la statue fut retrouvée dans un « ruisson » où quelqu’un l’avait jetée et que le retable fut mis à l’abri par une famille oléronnaise. Tous deux furent ensuite placés dans l’église paroissiale.

Je ne me souviens plus du tout de l’endroit où la statue de la Vierge était placée dans le chœur, mais je me souviens très bien que le retable n’était pas à la même place que maintenant : Il se trouvait placé contre le mur, à gauche de la petite porte donnant sur la seigneurie … Et c’était beaucoup mieux ainsi car, là où il est à l’heure actuelle, il cache le vitrail d’un oculus, vitrail qui représente … Les personnages de la légende de Notre-Dame-en–L’île !

Notre-Dame-en-L’île, c’est le nom du village que l’on appelle maintenant, tout brièvement et tout bêtement L’Île, que l’on traverse quand on va de Saint-Georges à La Brée. La révolution a laissé ses traces en raccourcissant abusivement le nom. Elle avait laissé tout juste quelques traces de la chapelle : Je les ai vues en passant dans l’impasse du forgeron, mais je ne les retrouve plus .. 

À l’origine de cette chapelle, on trouve une curieuse légende, qui a enchanté ma jeunesse  … La voici racontée :


                                                    


C’est une histoire que l’on raconte encore, le soir à la veillée, une histoire de mer comme le vent, de Bretagne en Portugal, en a tant amené … Une histoire que l’on écoute en entendant la mer rouler, le vent hurler, la pluie battre et l’orage gronder.

Dites-moi … Ne sentez-vous pas l’écume salée des embruns de décembre sur votre visage fouetté ?

C’était quelque part, entre Saint Denis et Foulerot … Quelque part, mais sûrement pas très loin du « Gros Roc »où tant de bateaux ont naufragé …

Un frêle esquif, un knorr, que l’on appelle de nos jours un drakkar … Mais était-il si frêle ? – On dirait plutôt qu’il était léger … Léger et souple à la fois … Un drakkar, voile arrachée battant au vent comme une aile affolée, filait vers les rochers. Et le vent soufflait, hurlait comme le soir où l’histoire me fut contée à la veillée.

La nuit était noire. Le ciel et la mer se confondaient. On courait vers un mur … Les avirons étaient brisés.

Des jours et des jours, on avait vogué. On avait traversé Le Havre et Paris. On avait remonté la Charente, passant par Taillebourg, Saintes et jusqu’à Cognac … On avait guerroyé, on avait pillé, on avait volé. Était-ce dons le châtiment qui attendait en Oléron ?

Le chef était haut de stature. Il était roux et barbu. Il avait l’épée au côté. Il était viking … Alors, comment l’imaginer autrement ?

Debout à la proue, la main sur la tête du dragon qui défiait les eaux, il bravait encore les intempéries, il bravait le vent, le ciel et la mer. Et, toujours, le drakkar courait … Un éclair, encore plus brillant que les autres, a soudain montré les rochers …


-               « Dame des Francs, vous qui veilliez sur les monastères que nous avons incendiés …

-               « Dame des Francs … Si vous nous sauvez, chapelle pour vous je bâtirai …

-               « Sainte Marie des marins, si vous nous sauvez, en votre Dieu je croirai … »


Notre-Dame l’entendit … Les flots, pour le viking, se firent cléments et bientôt le sable il a foulé.

Alors, bandant son arc, le chef a crié :

-               « Là où ma flèche tombera, chapelle de Notre-Dame il y aura ! »

Le vent aidant, la flèche au loin a volé. Que devint le fier viking ? – Nul ne le sait, nul ne le dit, mais aujourd’hui encore, au village de Notre-Dame-en-L’île, près des ruines de la chapelle, un cercueil en pierre vous sera montré. Est-ce le sien ? Est-ce celui du guerrier repenti qui, pour toujours, là-bas, serait demeuré ?

Dans l’église de Saint Georges, sous les vieux murs dix fois centenaires, une statue de bois vous sera montrée : Cette statue, dit-on ,serait la figure de proue d’un bateau qui se serait échoué quelque part par là … Notre Dame serait-elle revenue près du viking qui l’avait prié ? …

                                             

Cette légende est fausse, bien sûr, comme toutes les légendes … La statue de bois est de facture beaucoup plus récente et n’a jamais été une figure de proue … N’importe, n’est-ce pas ?

Par contre, une vraie figure de proue, il y en bel et bien une : Regardez-la dans sa niche, à droite en entrant dans l’église … C’est l’effigie de Sainte Barbe, arborant ses attributs : L’épée et la tour … Autrement dit les instruments de son supplice : La tour dans laquelle on l’avait enfermée et l’épée avec laquelle elle fut décapitée. Elle date probablement du XVIII eme siècle.


Ces histoires méritaient bien qu’on vous les conte, non ?



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